La Fille aux Prunelles Vertes


Afin de t’affronter
de façon satisfaisante
sur le seul champ de bataille
où il importe à l’homme d’exceller,
je me suis huilé le corps
d’essence de jasmin
et j’ai mangé des gâteaux délicieux,
faits avec des jasmins, des figues sauvages,
des jujubes, du lait sucré
et du beurre clarifié!


Mais, quel que soit vraiment
l’accroissement de ma force,
jamais je ne pourrai
lutter avec toi
à armes égales,
ô toi qui es ce Mystérieux Féminin
qui, selon les maîtres taoïstes,
se dépense sans limite,
mais jamais ne s’épuise!


Or, jamais ta puissance ne tarit!
Tu demeures à ce jour,
aussi assoiffée de baisers
et aussi affamée de caresses pénétrantes
que durant la nuit
de notre première entrevue,
cette nuit étincelante de Mai
où, cachée par les fumées de santal
qui parfumaient notre chambre,
la lune était d’or!


Ô toi qui m’as toujours vaincu
à plate couture
et en présence de qui
je me sens aussi faible
qu’un nouveau-né,
chante-moi, je t’en prie,
oui, chante-moi cette chanson extatique
des bergères du Bengale
qui dit la félicité
de la vachère Radha
dans les bras de son céleste amant,
Krishna, Notre Seigneur
à nous tous
qui sommes sauvés par Lui!


Puissent tes prunelles,
ces merveilleuses,
ces parfaites émeraudes,
toujours stimuler
ma force génésique
et éveiller mon esprit,
siège de ma raison,
à la contemplation
des forêts célestes
dont la couleur verte
les rend aussi lumineuses
et aussi cristallines
que tes vertes prunelles!


LA FILLE AUX PRUNELLES VERTES

RECUEIL INEDIT. DU 25 AU 31 MAI 2008