L’Homme-Fleur et la Femme-Libellule
Par une après-midi ensommeillée
où la torpeur de l’été
tombait autour de moi
comme un invisible filet de soie
ou comme une tunique azurée
passée entre mes bras
d’homme-fleur enlaçant la hanche
de la Terre Mère,
j’ai vu la plus belle fée
au monde,
une véritable femme-libellule,
de celles qui tourbillonnent
dans la lumière éblouissante
des antiques légendes nipponnes!
Elle reposait sur une natte
moelleuse et fraîche
et elle était délicatement entourée
de suivantes aux voix douces
ainsi que des cloches battues par la brise!
À cette heure lascive,
elle était en train de déjeuner
de violettes et de lotus!
Elle se faisait servir par des princesses
vêtues selon le mode traditionnel,
en cours jadis
dans l’empire du Mikado,
descendant de la Déesse-Soleil
Amaterasu!
Pendant quelques courts instants,
j’oubliai mon siècle
livré aux démons du négoce
et de l’artifice,
et je retrouvai avec une joie ineffable
l’antique façon de vivre
parmi les choses belles
et des femmes-papillons
au doux parler d’Orient!
Et le souvenir me revint
de ma vie antérieure
où j’étais prêtre-luthier
à la Cour Impériale du Japon!
En ces temps bénis
pour les trouvères,
princes et princesses
s’enchantaient de récitations de poèmes,
accompagnées de la musique suave
d’un luth!
Tout à coup, une sirène de bateau
retentit au loin!
Et mon rêve se brisa
en dix mille morceaux
et devint cette poussière
que soulèvent sur un chemin de campagne
les roues d’une vieille-charrette à foin,
tirée par des boeufs rouges!
CRIS DE LEZARD
RECUEIL INEDIT. DU 1ER AU 8 JUIN 2008