La Beauté Éphémère
Les marronniers de Paris
ont beau bruire au soleil,
jamais ils ne pourront égaler
tes yeux châtains
dont la couleur passe en éclat
la couleur elle-même
des châtaignes de Corse!
Et sur le rivage grec,
ta chevelure de cobalt
méprise même la mer bleue
qui s’écrase en écumant
sur les plages de sable!
J’aime mieux rechercher tes lèvres pourpres
plutôt que les roses rouges,
même si celles-ci sont parfumées!
Car l’haleine de ta bouche
vaut bien l’haleine
de mille roses embaumées!
Et ton cou l’emporte
pour la perfection
sur les vases Ming!
Quant à ton chant,
il vainc la poésie qui a fleuri
sous la dynastie des Tang,
pourtant le sommet
de la poésie lyrique
de Chine!
Ô jouvencelle bénie,
tant que ta fierté
dédaignera les marrons d’Inde,
les châtaignes de Corse,
la mer grecque,
les roses rouges,
les vases Ming
et la poésie de la période Tang,
cueille les roses de la vie,
oui, jouis des marronniers de Paris,
même s’ils te semblent inférieurs à toi,
jouis aussi des châtaignes de Corse,
des porcelaines Ming
et de la meilleure poésie de Chine!
Car le jour viendra
inexorablement,
où tu seras semblable à une violette fanée
dans un jardin de violettes de l’Attique,
aussi vaste que la mer hellénique!
Cependant, le luth de Jean-Sébastien Bach
continuera à résonner
dans les chastes prunelles des génisses
et dans les profondeurs des lacs de Germanie
et d’Italie!
Et toujours les papillons
sous le soleil de Juin
joueront avec les fleurs épanouies
et les cigales badineront
avec les aiguillons de pin!
Mais la fleur de ta beauté, elle,
sera depuis longtemps déjà
poussière et Néant!
Et on ne se souviendra
de la beauté de ton chant
qu’à travers les vers des trouvères!
CRIS DE LEZARD
RECUEIL INEDIT. DU 1ER AU 8 JUIN 2008