À la plus Belle des Dames
Ô très aimable et très amène dame,
entrer dans les filets,
bronzés par la lune de Juillet,
de votre regard prometteur,
c'est pénétrer dans le port enchanteur
d'Alexandrie un matin d'été
où la splendeur sauvage d'Egypte
se déploie à nos yeux éblouis et émus
et, c'est aussi, se promener
par un mois de Mai magnifique,
dans une cerisaie d'Edesse
lourde de fruits
et luisante comme une forêt de bannières
à perte de vue!
Votre croupe, très affable
et très courtoise dame,
est ronde comme la poupe arrondie
d'un brigantin grec
dont les voiles battent au vent
dans une baie de Crète!
Et votre colonne vertébrale,
ô dame dont la chair est plus polie
qu'un marbre de Houdon,
votre colonne vertébrale,
disais-je, chère dame,
est droite comme un mât de cyprès
et votre torse est somptueux
comme un cierge paré de rubans
et couronné d'or!
Et votre chevelure
de respirer librement
comme la douce colline du Théseion,
à Athènes!
Votre sein, ô dame très agréable
et très plaisante,
est fertile et beau
comme l'île d'Andros,
et il est aussi tendre
qu'un petit veau nouveau-né de Ténos
ou qu'un éléphanteau d'Afrique
sous la mère!
Et je suis d'autant plus
sensible à votre grâce,
Madame,
que le ciel d'Attique
est aujourd'hui aussi bleu
que le merveilleux fichu
d'une toute jeune voyageuse
dans un bateau du Bosphore
nous emmenant vers la côte d'Asie!
L'éclat de votre face,
ô dame de rêve,
n'a d'équivalent
que le faste,
que la pompe d'une église de Byzance
à la veille de la Pâque orthodoxe
ou lors d'un Te Deum à Sainte-Sophie,
où mille chantres à la fois
entonnent l'Hymne Acathiste!
Etes-vous, donc, Schéhérazade,
la conteuse des Mille et Une Nuits?
Etes-vous une reine de l'antique Assyrie
dont Hérodote aurait rapporté
la vie extraordinaire?
Etes-vous une héroïne
de la guerre de Troie
ou du cycle Thébain
ou de l'Epopée Péloponnésienne
ou du Drame Minoen?
De votre réponse
à mes questions pressantes,
ô âme de mon coeur,
dépend le dénouement
de l'ineffable,
mais sibyllin aujourd'hui!
Enveloppé dans les plumes d'or
de l'Aigle de midi,
je m'envole vers le Sirius
de votre âme,
de votre âme qui, cet été encore,
ne manquera pas de resplendir
à nouveau,
plus ardente que jamais!
Et votre esprit,
léger comme l'air,
de brûler sur l'autel du sacrifice
comme un théorème d'Euclide
qui ferait la démonstration de votre beauté
égale ou supérieure
à la beauté indicible
des nuits d'Août
en mer d'Egée!
L'AIGLE DE MIDI
RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2006