De l’Art de Chanter
Le chant d’un rhapsode
ou d’un troubadour
est en tous points pareil au corps gracieux
et mélodieux
d’une Nymphe des montagnes de l’Hellade
ou d’une Apsara de la plaine du Gange!
Il est, comme la chair des jeunes femmes,
savant dans la volupté prodiguée
et, en plus, il a un goût suave
et léger et frais,
comme l’eau cristalline
d’une source de l’Ida crétois
et, quant à son débit,
celui-ci est harmonieux
comme une rivière transparente
qui coule dans la paix des agnelles
et des agneaux!
Homère ne célébrait-il pas l’aède,
cet homme fortuné,
parce que de belles et douces paroles
sortent de sa bouche d’or?
Faut-il reconnaître,
dans cette homérique pensée,
la frilosité d’un vieillard, d’un Ancien,
ou, au contraire, le savoir
voire la sagesse,
de celui qui sait qu’il innove
et qu’il est le prince des poètes
et le premier à oser
penser de la sorte?
Or, cette opinion
n’est pas seulement
le fait des Grecs,
mais elle est aussi
partagée par les Hindous!
Quoi de plus mélodieux,
de plus discret
et de plus doux
qu’un poème lyrique d’Amarou,
voire de Kalidasa
et de Yayadeva?
Et, venus des siècles après,
un Candidas
ou un Tagore
ne professaient-ils pas
que le chant doit offrir à l’auditeur
une fraîcheur telle
que celui-ci se ressouvienne d’un Éden,
oui, d’un Paradis
où aucun fruit
ne fût défendu
et où tout fût permis
en vue d’accéder à la connaissance,
but de l’homme et de la femme
réunis en une seule âme?
Non, le poète n’a pas
à être abrupt,
sauf s’il veut appeler
le peuple à la révolte
pour une question de vie
ou de mort!
Autrement, il n’a aucune raison
de torturer sa langue
et d’ajouter ainsi de nouveaux tourments
aux maux déjà endurés
dans cette vallée de larmes,
qu’au contraire, il doit aspirer
à métamorphoser
en verdoyante vallée du Nil
et en Mésopotamie fertile!
Le cantique de l’aède
ou du troubadour
ressemble au chant immortel
des cigales
par une après-midi estivale
et sa voix s’entend
dans le silence de midi
comme la brise marine
qui chante dans les blés fauves
de Juillet!
Et, plus que sobre,
l’aède est clair
comme un ciel sans nuages
sous lequel il fait bon
goûter des figues
et boire un vin doux,
servi par Hébé,
l’éternelle adolescente!
LES SILLONS DE FEU
RECUEIL INEDIT. DU 30 JUIN AU 07 JUILLET 2008