Le Cantique de la Jouissance

Quand, par la Porte de la Volupté,
je pénètre dans ton être,
tu soupires comme l’Arabie heureuse
et comme l’entière Négritude,
tu gémis comme un veau gras
que l’on égorge
ou ainsi qu’une poule blanche
que l’on étrangle,
et tu pleures
comme une Musulmane
arrivée devant la Kaaba,
but de son pèlerinage,
ou comme une Juive
qui s’approche de Jérusalem
ou comme une Grecque
à la vue de Sainte-Sophie
ou comme une Française
qui monte vers la colline de Montmartre
et le Sacré-Coeur!


Car le bien-jouir
marque le moment suprême,
l’ultime terme du plaisir
et du bien-être!


Quand tu respires sous moi,
étendue sur le dos,
et que je te possède,
après l’acte d’amour
je sens tout le long de mes veines
monter vers mon coeur
le sang d’un bonheur indicible!


Je crois alors embrasser
d’un souverain regard
le monde dans sa totalité,
avec ses génies du Bien
comme du Mal,
avec ses sylphes, ses sylphides,
ses djinns et ses djinnias
et avec ses quantités égales
de bonheur et de malheur
et ses qualités d’honneur
et de déshonneur,
de sainteté et de débauche!


Et je me crois le Prince
d’une contrée fertile,
située entre le Tigre et l’Euphrate
ou dans la plaine du Gange
ou au Bengale, à l’embouchure
de la Yamuna,
ou enfin, dans la vallée du Mékong!


Oui, je ne sens plus
aucune limite à mon pouvoir
et aucune obligation envers quiconque,
si ce n’est le besoin de t’être agréable,
voire reconnaissant pour tant de langueur,
tant de volupté
et tant d’amour!


Or, qui dit reconnaissance et gratitude,
dit trésors d’intelligence à mobiliser,
afin de satisfaire
la force du destin!


Comblé par ton ardeur
et ta passion au combat amoureux
sur le lit,
le seul champ de bataille
digne de ce nom,
je m’estime désormais
comme le plus heureux des mortels,
comme le plus puissant des Rois,
celui dont le pouvoir est
le plus étendu,
et comme le plus savant
des Sages et des Voyants!


Puisses-tu toujours être mon amoureuse
et avoir la disponibilité des coquelicots,
des petits chiens
et des petites chattes!

LE SUCRE DE L'AME

RECUEIL INEDIT. DU 17 AU 24 AOUT 2008