La Cigale Attardée
Bien que ce soit Septembre
et que la nuit entoure déjà
mon jardin de toute part,
je continue, ainsi qu’une cigale
qui s’attarde à chanter en automne,
cachée dans un oranger amer
ou dans un pin,
oui, je continue, moi aussi, à chanter,
en célébrant les mille splendeurs
de la Trop Aimée,
celle qui, malgré les outrages du temps,
persiste à luire
ainsi qu’un figuier au soleil,
un figuier dont les fruits
seraient parvenus à maturité,
depuis un bon moment déjà!
Certes, malgré tout,
une sagesse bien de saison
commence à verser,
comme une pleine lune de Septembre,
son lait pacifiant dans mes chants,
où l’on peut déceler
moins de précipitation,
moins de douleur comprimée
et peut-être moins de maniérisme
que par le passé,
quand le soleil de juillet
fulgurait au-dessus de ma tête
et me brûlait le foie et le cervelet!
Mais la très forte joie
que je ressens à célébrer ma Bien-Aimée
est demeurée la même!
Avec la même passion
que jadis,
je relève l’insigne,
la poignante beauté de sa croupe,
à la fois angélique et sensuelle,
et où la vie retrouve
tout son sens,
le sens dont le temps présent
l’ a privée!
Cependant, durant mon été,
il y avait une telle profusion
de couleurs
et une telle exubérance de matière
que les feuilles des arbres
cachaient à mes yeux
la beauté de l’azur
merveilleux et pur!
Or, le dépouillement et
la sobriété
ne sont les bienvenus
que s’ils viennent
après les fureurs de la jeunesse
et l’extrême opulence de l’âge mûr,
autrement ils ne servent
qu’à masquer l’absence de génie
des mauvais poètes!
Maintenant que je suis devenu
un sage parmi les sages,
je peux chanter avec aise,
sans trop d’inflexions de voix
ou autres excès,
la plus belle des Aimées
de notre temps
et de tous les temps!
LE GRILLON DE LA PLEINE LUNE
RECUEIL INEDIT. DU 10 AU 17 SEPTEMBRE 2008