Yamina
Ô mon odorante pastille
de musc et d’oliban,
tu ressembles aux femmes
que je croise dans les carrefours
de cette cité mécréante
comme la nuit d’été
ressemble à la nuit d’hiver
et l’aurore vernale
au crépuscule automnal!
C’est que ta croupe,
si monumentale qu’elle te donna
ton nom,
Yamina signifiant la Prospère
en langue d’Arabie,
oui, ta croupe nonchalante
règne sur mon âme,
comme naguère l’Empire du Milieu
régnait sur le monde,
stupéfait de tant de grandeur!
Ô ta hanche,
plus belle que l’amour
et plus mobile que la vie elle-même !
Et que dire de tes prunelles,
pareilles par la rêverie
qu’elles prodiguent à pleines mains,
à deux étangs pavés d’émeraudes
et faisant partie du domaine
d’un château d’agrément ?
Tes seins ont le galbe
de la coupole azurée
d’une petite église grecque
bâtie sur une douce colline
avoisinant le cap Sounion !
Quand je respire le parfum de tes robes,
c’est comme si je respirais
tous les parfums du printemps!
Et quand je ferme les yeux
de volupté,
après t’avoir admirée,
je ne puis m’empêcher de les rouvrir,
car le rayonnement sidéral
de ton corps
traverse mes paupières
en bouleversant mon esprit
et en faisant dilater mon coeur !
Tu es plus belle
que la déesse de la beauté Lakshmi
et plus éloquente
que la déesse de l’éloquence Sarasvati!
Et tu es aussi diserte
qu’une fauvette
ou que Boulboul,
le Rossignol légendaire d’Iran !
Quand tu passes sur le chemin,
tes pas sont si discrets
et si modestes
qu’un lièvre assoupi
n’en serait pas réveillé!
Et ton toucher est si léger,
que tu es capable de caresser une fourmi
sans lui faire mal !
Et comme je te tiens fermement
dans le creux de ma main,
tout-à-coup tu t’envoles
pour aller sillonner le ciel,
ainsi qu’une fauconne
ivre de liberté,
ivre de ciel!
LA SOEUR DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT. DU 18 AU 25 SEPTEMBRE 2008