Le Sacrifice de la Semence
Ton magnifique derrière
de marbre hellénique
fait aboutir mon aspiration
au perfectionnement
et réalise mon désir
de soleil de Mai
et de pleine lune d’été,
sous la lumière desquels
la vie n’est plus une lutte
perdue d’avance,
mais un exploit surnaturel
et une prouesse inespérée,
continue et quotidienne,
oui, une performance héroïque, magique,
merveilleuse, fabuleuse,
mythique, divine !
Oui, ton corps réalise mon aspiration
à une humanité
transfigurée en divinité !
Or, il est des moments
dans la vie d’un lettré
où celui-ci parvient à devenir un dieu
procréateur et créateur,
à l’image du grand dieu
qu’on adore sous la forme d’un taureau,
d’un taureau que l’on sacrifie
dans l’arène, à cinq heures de l’après-midi,
à la grande satisfaction
du dieu-taureau lui-même
et de la foule des dévots !
Oui, cette mise à mort solennelle
du taureau,
identique au sacrifice de l’agneau
dans la messe chrétienne,
et ayant lieu sous la lumière éblouissante
du Soleil du Sud,
nous exhausse à la hauteur
d’une tragédie attique,
voire d’un rite religieux,
d’un sacrifice de l’Inde préhistorique !
Oui, il est des instants
dans la vie d’un poète
où celui-ci acquiert la force d’un taureau,
d’un taureau-dieu procréateur
dont l’union avec la plus belle des vaches
devient une nécessité urgente,
à moins qu’une Pasiphaé,
une fille de la lune
déguisée en génisse,
ne dérobe les faveurs
destinées aux vaches
et donne naissance à un monstre,
à un Minotaure,
c’est-à-dire à un taureau
à tête d’homme !
Moi-même, je me sens
devenir un dieu-taureau
quand, devant le spectacle délicieux
de ta croupe,
semblable au confluent
du Gange terrestre et du Gange céleste,
je suis submergé
par une tempête dionysiaque,
au terme laquelle
ma semence, essence de ma force créatrice,
se répand en toi,
à la façon d’une offrande
sur l’autel d’une déesse !
L'IMMOLATION DES ROSES
RECUEIL INEDIT. DU 8 AU 15 NOVEMBRE 2008