L’Ordre Naturel des Choses


Tu m’es apparue la première fois
sous le noble aspect
d’une blanche pigeonne,
cependant que je buvais le ciel
sous le soleil automnal du Levant !


Mais déjà tes flancs
étaient les flancs d’une petite pouliche
qui va à l’amble
dans un bois minuscule
où les orangers
alternent avec les citronniers
pour la plus grande gloire
des dieux et des déesses de la Grèce !


Depuis, je me suis attaché à toi,
comme le vassal s’attache à son seigneur
et le chevalier à son Roy !


Car je demeure sans souffle
devant ton corps
où tout est nombre, proportion géométrique,
musique de madrigaux,
récitatif de cantate
ou chant d’opéra !


Sache, ô toute suave dame,
oui, sache que je fais désormais
mienne cette pensée
d’un maître nippon :
« La sagesse de la vieillesse
surpasse celle de la jeunesse
autant que la beauté de la jeunesse
surpasse celle de l’âge ! »


En effet, dans ma jeunesse
hantée d’une foule
de désirs disparates,
je me passionnais pour les arbres
ou les animaux
peuplant des ailleurs splendides
et qui sont gigantesques, énormes,
colossaux et originaux,
à force d’étrangeté !


Mais une belle matinée de Septembre,
je me suis aperçu
que ce que je tenais pour singulier
et original, n’était en fait
que difforme, voire infirme !


Et depuis ce jour inoubliable,
j’ai cessé de confondre la difformité
avec tout ce qui constitue
le rêve des dieux,
où tout est nombre, section dorée,
harmonie !


Voilà pourquoi, j’aime ton corps,
ô pigeonne, ô pouliche de mon âme :
tout en lui est naturel,
bien proportionné
et participe d’un ordre,
l’ordre des choses
et des êtres !


D'EAU ET DE FEU

RECUEIL INEDIT. DU 25 NOVEMBRE AU 2 DECEMBRE 2008