Moisson Indienne


Rien que pour avoir le droit
d’embrasser du regard tes courbes
qui ondulent à perte d’horizon
ainsi qu’une moisson sur pied
dans la plaine maternelle du Gange,
oui, rien que pour posséder
tes cuisses fermes et rondes,
tes hanches élastiques
et tes doux seins de génisse,*
je donnerais mille coffres
renfermant chacun mille souverains d’or !


Je donnerais aussi
cent pièces de brocart chinois,
deux cents pièces
de corail sans défaut
et trois services de porcelaine
vert céladon !


Si tu n’acceptais pas ces richesses
dont la vanité est régulièrement dénoncée
par les sages de la terre entière,
je donnerais mon coeur
à l’intact honneur
et je dépenserais pour tes grands yeux noirs
tous les trésors de mon âme
légués par ma jeunesse
qui s’est passée dans la joie de la lutte
contre une destinée hostile à tout progrès
sur la voie de l’amour !


Or, pour avoir le droit,
que dis-je, pour jouir du privilège
d’être appelé ton soupirant,
je t’offrirai la partie visible
des trésors susdits
que sont cet hymne
et tous mes hymnes précédents
ainsi que leur partie immatérielle
que sont mes rêves
nés des seins de Mère Inde !


Oui, répandre ma semence
comme une eau d’or
dans tes sillons,
battre, puis moudre tes fruits
au moulin de ma force,
telle est ma plus haute ambition
et tels sont mon dessein, mon but,
ma fin sur cette terre
dont la seule réalité
est la beauté sensuelle,
résistante même au temps
qui fait tout dépérir,
si ce n’est le Gange, ses eaux,
et les bergères bénies
se prélassant sur ses rives fleuries
et qui sont moulées comme des déesses !


L'OLIVIER DE L'AMOUR

RECUEIL INEDIT. DU 3 AU 10 DECEMBRE 2008