L'Eté d'une Nymphe
Ô jeune fille élancée
dont je suis altéré,
la mer même de Chypre
ne saurait étancher ma soif
du modelé de ton corps
et des détails les plus infimes
de ton anatomie!
Dans l'Hellade aux belles femmes,
tu pourrais figurer
entre les jeunes compagnes d'Hélène
et les vierges de Naxos
et les jeunes femmes de Lesbos!
Et, sans doute, mérites-tu
un sort meilleur
que la destinée d'Euboia
que Poséidon enracina dans l'Archipel
ou que le destin d'Astéria
dont ce même Poséidon
fit une île déserte!
Et, sans doute aussi,
tu n'es pas la cruelle Syrinx,
insensible aux suffrages de Pan,
et que Zeus transfigura en roseau
qui chante encore les amours
de ce même Pan
que, dans son passé humain,
elle avait méprisé!
Tu n'es pas non plus Daphné,
métamorphosée en arbuste,
dont les feuilles couronnent
la tête de Phoibos Apollon,
le même Dieu qu'elle rejetait
quand elle avait sa forme humaine!
Cependant, si extraordinaire est
la variété de tes humeurs
et de tes parfums
que tu me rends familiers
le nectar divin,
le miel de thym,
le lait de chèvre,
le vin vieilli
dans les entrailles de la terre
et des essences aussi diverses
que la violette, l'hyacinthe,
la camomille, le narcisse, la rose
et même le tamaris
et le térébinthe!
Mais fantastique aussi est
l'alternance des couleurs
sous lesquelles tu m'apparais
à chacun de nos colloques!
Tantôt, je crois déceler
dans tes prunelles incendiées par le couchant,
l'existence d'escarboucles,
tant elles flamboient
avec des reflets rougeoyants!
Tantôt, c'est ta chevelure qui fulgure
comme une vague de diamants
fauves ou noirs!
Tantôt, enfin, ta robe moirée est
un miroir agrandissant
où je vois rouler ta hanche
plus sublime que le Ciel
avec ses Déesses
et ses Dieux
et où volent les paons bleus,
les cygnes blancs
et les cigognes porteuses de vie
et où chantent les rossignols tachetés
d'Athènes!
Chanter le désir
que tu répands autour de toi,
à chacun de tes pas,
c'est chanter aussi mes efforts pitoyables
de baiser dans le sable de la grève
les empreintes roses
de tes pieds délicats!
Et, c'est jusque dans l'onde claire
des rigoles qui murmurent
à travers Céphisie
que j'aime boire ton ombre!
Or, je voudrais être la pomme
où tu imprimes tes lèvres, le verre où tu bois
et la margelle du puits
sur laquelle tu t'assoies!
Viens, c'est Thermidor,
c'est Juillet,
et tes épis sont déjà mûrs!
Nous moissonnerons ton froment
avec la faucille de la nouvelle lune!
Et comme automne
sous nos climats
ne tarde jamais,
vendangeons les raisins nouveaux,
vendangeons, noble jouvencelle
déjà mûre pour l'hymen,
vendangeons pendant qu'il est encore temps!
Car, dès que le Scorpion se lèvera
et que les Pléiades se coucheront,
il ne sera plus le temps des vendanges
et tes fruits, maintenant éclatants,
pourriront en terre,
sans avoir été cueillis!
LA FAUCONNE ET LE CLOS DE VIGNE
RECUEIL INEDIT. AOUT 2006