La Visite Nocturne
Ô ma flamboyante mandarine,
plus savoureuse
et plus embaumée qu’un fruit du Fou-Kien,
ton derrière, grand comme le lac Tai Hou,
est un ciel du Siam
surchargé d’astres
ou un crépuscule dans un pays du Sud
où en plein Décembre
chantent des milliers,
des milliers d’hirondelles,
ou un café aux allures de paquebot,
faisant saillie sur le quai
d’un port du Midi de la Chine,
ou le wagon bleu
d’un chemin de fer
traversant une oasis du Turkestan chinois,
contrée où se dressent
les mosquées les plus paisibles
au monde,
et les plus étranges !
Ô déesse de la mer, pour moi
tu apportes dans tes bagages, à chaque fois,
l’étonnement, voire l’érotique stupéfaction
devant une apparition,
oui, une vision tombée du ciel
par une nuit hivernale
et qui se fait annoncer
par un roulement de caresses d’or
dans les rues désertes
et par des parfums subtils d’Orient
envahissant ma chambre
et mon coeur glacé par la solitude !
Or, par une nuit glacée de Décembre,
tu es apparue pour la première fois
dans mon sommeil éveillé !
Mille suivantes t’accompagnaient
dans ta nocturne visite,
les unes agitant des éventails
ou ouvrant des ombrelles,
les autres apportant des paravents
peints de scènes grivoises
très osées
ou présentant des livres anciens
et des oeuvres d’art
créées dans l’empire du Milieu !
Et tu étais si belle,
si pacifique et si bien intentionnée
que je t’ai prise aussitôt
et ma couche stérile
en est devenue humide de semence !
Mais déjà les coqs chantaient !
En partant, tu m’as invité au silence
sur notre nuit d’amour
qui devrait, m’as-tu fait promettre,
rester secrète, même pour mes proches !
Et, c’est à cette condition que tu acceptas
de renouveler cette expérience !
Aujourd’hui, n’en pouvant plus
de taire mon bonheur,
je livre mon secret à la foule anonyme,
espérant en ta clémence,
fruit de ton indicible,
de ton ineffable beauté !
LA MER DES PIVOINES
RECUEIL INEDIT. DU 19 AU 26 DECEMBRE 2008