La Femme et son Âme


Une amour défendue
n’est jamais aussi affolante
que la Femme Inaccessible,
affirment les Chinois !


En effet, j’ai accédé à l’étrange palmeraie
de ta chevelure verte
et j’ai plongé mon regard affolé
dans tes yeux
plu profonds qu’un puits !


J’ai aussi eu accès à tes lèvres
plus rouges que le corail
et à tes seins opulents,
aux pointes desquels
les apiculteurs cueillent le miel
et les nouveau-nés le lait !


Et j’ai accédé à ton nombril
où brillent toutes les nacres de l’Orient,
à ton pubis pareil à une mandarineraie embaumée,
à ta vulve où fulgurent
les deux milliards d’étoiles
de la Voie Lactée,
à ton anus large
comme les bouches du Fleuve Jaune,
à tes hanches enivrantes
où dansent les cygnes blancs,
à tes cuisses puissantes
comme les tourelles de la muraille de Chine
et qui protègent ton Empire du Milieu
des incursions des barbares !


Et j’ai ramené tes pieds délicats
et parfumés à la citronnelle
sur ma tête pensante,
tout en caressant tes jambes
de blanc héron traversant l’onde calme !


Cependant, ton âme est demeurée
à ce jour,
tout au moins pour moi,
un secret bien gardé,
un trésor scellé !


Certes, je reçois de temps à autre
des rayons de lumière
venus de ton coeur,
mais ton âme, elle,
reste inaccessible,
même pour moi,
ton amant qui croit te connaître !


Quelques esprits égarés
vont jusqu’à nier
que la femme ait une âme !
Et les sages d’antan
étaient, dans leur grande majorité,
hostiles au monde des femmes !


Mais les sages peuvent se tromper
et le Bouddha Lui-même
peut se tromper : Après tout,
ce sont des humains,
et rien de plus !


Or, l’âme en général
est femelle !
Elle est légère et volage
comme la femme,
et gracieuse, à l’image de la démarche
de cette dernière !
Elle participe de la nature
du héron, oiseau emblématique
de la femme !


Plus proche de l’enfant
que l’âme de l’homme,
l’âme de la femme est,
le jour, une rose rouge
et parfumée
dont les papillons sont avides,
et la nuit, une lampe
dont la flamme consume
des millions de libellules !


Voilà tout ce que l’on peut dire,
je l’avoue,
sur ton âme, ô femme charmeuse
qui es l’eau douce
qui apaise ma soif
et la baie du Siam
où mouille l’embarcation légère
de ma vie
qui pavoise aux couleurs
de tes bijoux !


Sans être ni cruelle, ni sotte,
tu n’en fus pas moins
la plus longue étape
de mon voyage terrestre
et la plus désirable
de toutes les destinations
que m’ont proposées jusqu’ici
les dieux et les déesses !


Tu es, le sais-tu,
un petit nuage rose
qui passe dans le ciel
au crépuscule d’hiver
et qui me fait rêver
du printemps délicat
et de l’été bien-aimé !


CHAMPS DE SORGHOS

RECUEIL INEDIT. DU 11 AU 17 JANVIER 2009