La Contrée du Bonheur à Deux


Peut-être le sais-tu déjà,
le bonheur suprême ici-bas
c’est, sans contestation possible
ou imaginable,
de t’écouter chanter,
ô petite fille de mon âme,
oui, le plus grand bonheur pour moi,
c’est de t’entendre pousser la chansonnette
quand tu prends ton bain chaud,
cependant que dehors
la bise de Janvier souffle !


Alors, ta voix vibrante comme un gong
traverse le toit de notre demeure
comme la fumée d’une cheminée
et s’élève vers le ciel gris
de l’hiver pékinois !


Or, quand tu rêves de la sorte,
la salle de bain se métamorphose
en le saint des saints
d’une pagode chinoise
où tu es la statue vivante
de la divinité que les fidèles
viennent y adorer !


Oui, tu deviens le corps
de la déesse de l’amour
à qui les croyants
font des offrandes de fleurs,
tout en brûlant des cierges
en son honneur !


Le chemin ombragé d’orangers
qui mène de ta vulve rose
à ton anus de jais
prend alors les allures
d’un sentier lumineux
en montagne !


Et comme les vapeurs de l’étuve
remplissent ta pagode,
ta croupe nue, d’une indicible beauté,
se présente à mes yeux éblouis
comme une baie d’Indochine
par un ciel brouillé,
oui, comme la baie même
où est mouillée la jonque
dont le capitaine n’attend
que ton arrivée à bord
pour mettre à la voile
vers la lointaine et proche à la fois
contrée du bonheur à deux !


CHAMPS DE SORGHOS

RECUEIL INEDIT. DU 11 AU 17 JANVIER 2009