La Berge Fleurie de la Rivière Tranquille


Aujourd’hui, mon esprit est tranquille
et il reflète admirablement bien
tes seins et tes hanches,
à la pensée desquels
mon désir s’excite !


Ah ! La poésie tient à si peu de chose !
En effet, le poète dispose
de ce petit espace de liberté
entre le corps et ses désirs d’une part,
et l’esprit d’autre part,
ou entre l’action et la contemplation
pour lancer une parole
qui soit douce comme un bâtonnet de sucre
ou comme une goutte rose
au centre d’une nue qui passe
dans un ciel d’Avril !


Ô berge fleurie
de la rivière de mon esprit,
du sommet de ta coiffure noire
à tes orteils rouges,
tu es une rose gigantesque
que viennent visiter les abeilles,
afin d’y assouvir
le désir de quarante générations humaines
et d’y boire les arômes des pays lointains
et les essences du bout du monde !


Or, Confucius disait
que « dans un excellent cheval,
ce n’est pas la force qu’on estime le plus,
mais la douceur ! »


De même, ce n’est pas la passion
qu’on estime le plus chez une dame,
mais la suavité
qui se dégage de son langage distingué,
de sa démarche de princesse
et de son regard chaud à souhait !


Il en va de même d’un poème :
on en relève surtout la clarté royale,
la netteté du dessein
qui a présidé à sa création,
la majesté divine
et la douce musique !


Or, un proverbe chinois affirme
qu’en pinçant les cordes d’un instrument
avec frénésie,
on ne peut faire douce musique !


Oui, c’est la modération
qui est la source pure
où s’abreuve la joie
et c’est le Juste Milieu
qui récompense le mieux
l’effort du sage,
comme de l’archer !


Or, la musique calme de tes jointures
quand tu marches
évoque un gynécée d’antan
où une demoiselle accompagnait
sur le luth
une autre demoiselle
qui, elle, chantait des airs
de la Chine ancienne,
cependant que les dames,
inclinées sur des divans bas
aux coussins de satin,
buvaient du thé,
tout en suivant des yeux
les musiciennes !


Or, c’est cette musique chinoise de ton corps
au milieu du cliquetis
de tes bijoux d’or et d’argent
que je cherche à reproduire dans mes odes
dont tu es la secrète destinataire !


Oui, tu es l’écho
qui répond à mes hymnes
que tu suis partout,
comme l’ombre le corps !


Et de même qu’une mouette,
en battant des ailes,
s’élève de la mer de Chine
vers l’azur lointain,
de même toi, tu t’élèves,
en t’aidant de tes ailes,
de mes hymnes
vers le ciel de la paix profonde !


Je rêve de me promener avec toi
au crépuscule de Mai
dans le jardin de Loumbini
dont tu fouleras le sol tendre
de tes pieds si délicats
qu’ils seraient enviés
par l’Epouse du Bouddha
Elle-même !


En attendant, je reste dans ce havre
où la destinée m’a laissé
et où je me nourris du rêve
de ta présence à mes côtés
et de l’espérance que je place
en ton coeur
et en ton corps superbe
au-delà de toute description !


CHAMPS DE SORGHOS

RECUEIL INEDIT. DU 11 AU 17 JANVIER 2009