Le Rossignol à l’Aile Brisée


Quoique blessé à mort par toi,
ô ma Bien-Aimée,
je chante encore ta beauté,
semblable à ce rossignol
à l’aile brisée
auquel se comparait Amarou
qui chantait dans son Inde natale,
il y a de cela plus de quinze siècles,
oui, il chantait la belle Darânati
qui avait eu un comportement humiliant
pour lui, son amant !


Et je continue à sourire
à ta belle hanche
comme un petit enfant
qui, rêvant à sa petite maman,
sourit dans son rêve !


Or, je ne suis plus qu’un champ de ruines,
plus qu’un village
calciné par un incendie de forêt
et qui brûle encore !


Oui, je ne suis plus qu’une rose sans parfum,
qu’un merle sans chansons,
qu’un grenadier sans feuilles,
qu’un automne sans oies blanches
sillonnant le ciel,
qu’un amas de nues sombres
sans aucune architecture !


Oui, je suis une racine de palétuvier
emportée par la mousson,
une braise éteinte,
une maisonnette sous la neige
et dont seule la cheminée
demeure vivante !


Je suis une barque
qui fait eau de toutes part,
un paquebot désarmé,
amarré à un quai perdu de Karachi
et attendant d’y être démantelé !


Je suis un navire à la dérive
et qui erre de côte indienne
en côte indienne,
de la côte de Malabar
à celle de Coromandel,
et de là, à la baie du Siam
et jusqu’à l’île hindoue de Bali !


Et je sais désormais
que jamais je n’atteindrai Pataliputra,
cette capitale de l’empire des Indes
aux cinq cents pagodes,
aux mille palais de marbre
et aux mille jardins de jasmins,
de rhododendrons et de camélias !


Mais bien que tu m’aies blessé
mortellement
dans ma première jeunesse,
je te suis éternellement reconnaissant
de m’avoir souri,
ne serait-ce qu’une seule fois,
oui, je te suis reconnaissant
de m’avoir souri une fois
comme la Mère du Bouddha !


Or, ce sourire décida de mon sort
et fit de moi un troubadour,
oui, un poète
d’entre les poètes lyriques !


LE PAVILLON DES AMANTS

RECUEIL INEDIT. DU 8 AU 13 FEVRIER 2009