Un Coeur de Gazelle
A Calicut, à Jaipur, à Madurai,
sous tous les climats chauds,
j’ai respiré tant de fleurs !
Dans chacun de ces lieux enchanteurs,
il y avait des fontaines
à l’eau limpide et fraîche,
et autour d’elles se réunissaient
les oiseaux et les belles jouvencelles !
Oui, sous tant de ciels de la luxure,
j’ai bu l’haleine des jeunes filles,
pareille au vent du Sud
qui charrie tant de parfums d’anémones,
de primevères, de jasmins
et de jacinthes !
Oui, dans tous les lieux
où je suis passé,
il y avait des femmes jeunes,
aux visages de fées,
aux seins tendus en avant,
aux fesses magnifiquement rondes,
aux genoux tendres comme des nuages
et blancs comme des soleils !
Et elles aimaient toutes
à s’allonger sur des divans fastueux
de plumes de paon
et à se faire de l’air
avec des éventails de feuilles de bambous,
cependant que moi,
je caressais leurs boucles enivrantes
et embaumées !
Durant toute ma jeunesse,
j’ai volé de la sorte
d’amante en amante,
ainsi qu’un oiseau léger
que nul filet ne retenait !
Et comme la patience
n’habite pas le coeur des amants,
j’étais à chaque fois
impatient de connaître une nouvelle amante
au bassin plus beau,
plus symétrique que l’ancienne
et au regard encore plus captivant,
encore plus invitant !
Or, ce n’est que présentement,
alors que les trompettes du crépuscule
sonnent déjà,
que je suis heureux !
Oui, quand tu poses ta petite tête brune
sur mon épaule,
ô mon oiseau de paradis,
ma rose,
je sens mon âme lourde de bonheur,
comme un cocotier chargé de noix,
comme un manguier
riche de ses mangues !
C’est que ton corps
si beau
n’est pas un vase vide,
comme le corps des amantes
de ma jeunesse :
il contient l’essence des roses
d’un coeur de gazelle !
SANG DE CIEL
RECUEIL INEDIT. DU 05 AU 10 MARS 2009