À Une Cambodgienne


Du milieu de la cour de ton ventre
dallée de marbre rose,
s'élève la pagode d'or
de ton torse
dont les bouts magiques de tes seins
sont les clochetons d'or!


Ton opulente chevelure noire
répand autour d'elle
une douce et aérienne musique
de flûtes, de cithares,
de clochettes et des gongs,
semblable au mystique gamelan du Siam!


Ta bouche est une cigale des Tropiques,
un véritable insecte à musique
qui se fait entendre
à quatre lieues à la ronde,
comme un excès de vitalité
émanant de quelque forêt touffue
et grandiose!


Ton pubis même
semble une forêt noyée
dans le Mékong majestueux
aux flots d'huile
de ta vulve
accoucheuse de l'énorme,
de l'illimité empire de l'Amour!


Tes cuisses évoquent
au poète las
une rivière aux berges de jasmin
ou un sentier de sable fin,
bordé de tubéreuses!


Et, dans ta divine hanche,
l'aède voit
une courtine faite de hauts cocotiers
serrés l'un contre l'autre
et se balançant avec bonhomie
sous l'alizé voluptueux
et comme heureux
ou une belle poupe de pirogue
que la brise fait ondoyer
au-dessus des vagues de la mer!


Ta bouche vermeille
devient alors,
dans l'imagination aventureuse
du barde,
la porte de la Victoire
à Angkor,
frangée de la rouge liane
de tes lèvres!


Ton sourire de poupée gracieuse,
ton petit corps
délicat et vigoureux de porcelaine,
tes mains fines comme des nénuphars
et tes pieds de bibelot de Chine,
équivalent à faire desceller
pour le troubadour
la perspective d'un voyage
au bout de la nuit sylvestre
fourmillante d'appels!


Tes grands yeux noirs
quasi-hindous
sont les deux fanaux
au sommet de ton torse frêle
de Cambodgienne
et me font penser
aux caresses d'une nuit tropicale
à laquelle s'abandonner
sans crainte
et sans espérance!


LA DANSE DE LA LUNE

RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2006