Le Miroir Ardent


Par ces magnifiques journées
de l'Octobre levantin,
sublimes comme un brun papillon
aux ailes solaires,
je ne fais guère de difficulté
à parler d'amour aux roses,
à caresser les colombelles,
à lancer des oeillades enflammées
aux belles personnes,
à chanter aux jouvencelles
ou à graver le nom de ma Belle
sur les écorces des blancs peupliers,
et donc, je ne fais point d'obstacle
à l'épanchement de mes sentiments,
ce qui, d'ailleurs, me préserve
d'avoir querelle
avec la si peu aimable
foule moderne
dont les fort déplaisants propos
blessent quotidiennement les oreilles
des honnêtes gens
qui savent par intuition
qu'il n'en a pas toujours été ainsi
et que l'humanité est aujourd'hui
au plus bas de ses ambitions spirituelles!


Pourtant, je rends grâce
aux Déesses du plaisir
de faire en sorte
que je devienne invisible
à la multitude,
comme si je portais,
sur l'une de mes mains,
le magique anneau de Gygès!


Ô miroir ardent de mon âme,
ô dame qui possédez la faculté
d'amplifier les rayons du soleil
et d'embraser ainsi les objets
qui sont dans notre voisinage,
vous êtes l'élue de mon esprit,
vous-même témoignant
d'un esprit si délié, si aisé
et si bon enfant
que je ne doute pas
d'avoir trouvé en vous
un contrepoids considérable
à la vulgarité du monde!


Vos manières sont naturelles, libres,
et si amènes,
si galamment modestes
et si fièrement agréables
que je suis ébloui par votre personne
dont la courtoisie, la politesse
et la ponctualité
égalent les qualités
des dames de jadis
et, notamment, d'Aliénor d'Aquitaine
et des dames de sa cour
où tant de troubadours chantèrent,
il y a de cela
plus de neuf siècles!


Et, comme aujourd'hui
il fait un temps
admirable comme l'amour,
j'ai loisir de vous contempler
et d'apprécier à mon aise
les délices de votre présence
parmi nous
et le grand confort
où vous mettez votre interlocuteur
par votre regard si brillant,
si doux et si complaisant,
ainsi que par votre conversation
qui ne présente aucune aspérité,
quoique soutenue
par un savoir étonnant
pour une dame,
même de haute condition!


Recevez, donc, ce poème,
Madame,
écrit en compensation
des délicieux égards
que vous avez pour moi
et afin de célébrer vos grâces,
ô vous dont le charme
est illimité
comme la mer Rouge
ou l'Arabie heureuse!


LE MIROIR ARDENT

RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2006