À Une Fière Demoiselle


De grâce, ma petite demoiselle,
si brune et si fière,
laissez-vous gagner à moi!


Certes, je n'ai pas d'autres présents
à vous offrir
que mes yeux bruns
où la flamme de Crète
est entretenue par le feu des
Sarrasins d'Espagne,
que ma voix suave d'Arion
et que ce poème
où je mets mon âme à nu,
rien que pour vous,
ô fille du Guadalquivir,
ô noble Sévillane
qui êtes au sommet de votre vie,
à mi-chemin du soleil de votre hanche
et de la lune de votre sein,
sur une montagne perdue
parmi les nues!


Cependant, ne vous laissez point abuser
par mon impatience de vous aimer!
N'ai-je pas patienté
tout au long des ans?


Si maintenant je semble me hâter,
c'est que l'hiver vient
qui me ravira les charmes ultimes
de la jeunesse
et qui fera de moi
un objet de dégoût
pour les jeunes femmes!


N'en doutez point,
j'apporterai dorénavant
soin à me corriger!


Mais vous, Mademoiselle,
à votre tour,
devenez pour moi
la crête d'une vague d'opulence
et mettez-vous à la tête,
ainsi qu'une Amazone dissidente,
d'une armée de volupté
qui m'attaquera de front
et qui, victorieuse,
emportera le trophée
d'une amour incomparable,
plus haute que l'Olympe
ou le Pinde,
plus passionnée
qu'une houle d'océan
aux îles Marquises
ou qu'une tempête au détroit de Magellan
et plus pure
que le ciel de Grenade en été!


LE MIROIR ARDENT

RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2006