La Reine Nouvelle


Ô toi dont les yeux noirs
ont subjugué l’Iran, l’Irak, la Syrie,
le Liban et l’Égypte,
que ton corps soit glorifié
et que les déesses de l’Égypte ancienne
te bénissent !


Quand, au milieu d’une salle somptueuse,
dallée de marbre rose,
tu laisses choir à tes pieds
ta robe de soie verte,
ornementée d’oiseaux bleus,
tu en émerges victorieuse
comme le lys émerge de ses feuilles
et la rose de ses épines !


Et ta toilette semble alors une vasque
d’où tu jaillirais comme un jet d’eau
ou comme une lance
tenue par une amazone
ou enfin, comme un luth
aux courbes opulentes
dont on aurait enlevé l’étui de satin
afin de jouer sur cet instrument
la mélodie subtile des amours !


Or, dépeindre ta beauté nue,
cela relève de la tâche d’un héros
ou d’un titan de l’art !


J’essaierai, cependant, de dresser
un tableau, un tant soit peu énergique,
de tes charmes principaux :
au commencement était ta sombre chevelure
qui évoque les magnifiques nuits
d’Alexandrie ou du Caire,
nuits d’une fraîcheur exquise
où les jasmins embaument par milliers,
par millions !


Or, ta chevelure tombe
sur tes épaules rondes
et bien en chair
comme la nuit descend
sur les mosquées et les palais du Caire,
majestueuse ainsi qu’un empire
de musc et de nard !


Tes petites oreilles sont
les galets blancs du rivage du paradis
et ton front luit
comme le Chien de Juillet !


Tes tempes sont des stèles
commémorant les victoires d’Alexandre le Grand !


Tes sourcils sont des arcs de triomphe
célébrant la fondation d’Alexandrie !


Tes paupières sont les tentes de satin blanc
de l’armée de l’Émir des Croyants
et tes cils recourbés,
les cimeterres du Shah d’Iran !


Et tes yeux sont la fontaine Salsabil
qui, selon le Livre Saint,
se trouve au milieu de l’Éden !


Tes joues sont un délire de roses blanches
tirant sur l’incarnat
et tes lèvres sont deux cornalines géantes
sur lesquelles on aurait versé
un vin de Carmanie
couleur de rubis,
un vin qui fait s’envoler la raison
de l’amoureux
et se pâmer le sage !


Et ton menton est un oeuf d’autruche
qu’on vient d’arracher
au sable blond et mouvant du désert !


Ton cou rappelle le Phare d’Alexandrie,
car comme lui, il éclaire les marins
venus du Couchant ou du Levant
et ta nuque tendre,
émergeant d’entre tes tresses noires,
semble le pont ténu
qui relie le Paradis à l’Enfer !


Ta gorge est un grenadier de Grenade,
aux fruits miraculeux
à la sève écarlate
ou une haute vigneraie d’Andalousie
sous le soleil d’Août,
juste à la veille des vendanges !


Et tes aisselles sont
la source de Kausar,
célèbre chez les musulmans !


Tes bras charnus sont des rivières de l’Éden
qui remontent vers les ruisseaux,
riches en truites potelées,
de tes avant-bras
qui, eux-mêmes, prennent leur source
dans le lac doux de tes mains
dont les doigts sont les barques,
chargées de glycines,
de la fête du Printemps !


Ton dos est la Voie Lactée
dont les deux milliards d’astres
tournent autour du soleil de ta croupe,
plus monumentale
que la coupole de Sainte-Sophie,
à Constantinople,
la Constantinia des Mille et Une Nuits !


Ton ventre est la mer de Chypre
d’où surgit Aphrodite-Astarté,
vénérée à Paphos
qui est ton ombilic !


Et, au juste milieu de ton âme
et de ton corps,
se tient, trésor caché
dont les richesses s’étaleraient
devant mes seuls yeux,
oui, en ton juste milieu,
se tient ta vulve,
pareille au trône califal
des Abbassides et des Omeyyades,
sanctuaire de recueillement
et, en même temps, d’ivresse !


Enfin, parmi tes autres beautés,
je mentionnerai tes jambes,
ces comètes de la pensée,
et tes cuisses qui évoquent Palmyre,
la capitale de Zénobie,
cette Reine d’Orient
dont le souvenir s’est perpétué
jusqu’à nos jours !


Puisse, ô Reine nouvelle,
oui, puisse la mémoire de ta beauté
hanter la conscience
des hommes et des femmes du Futur !!


L'EMPIRE DE NARD

RECUEIL INEDIT. DU 11 AU 18 MAI 2009