Haleine de Nénuphar


Quelle merveilleuse sensation
que celle que me procurent
les abeilles qui tournoient
autour d’un bouton de rose,
et comme il est puissant leur bourdonnement,
pourtant si aimable,
si suave !


C’est une sensation comparable
à celles que me prodiguent
les balancements de tes hanches
et les agaceries de tes yeux,
ô toi qui me souries
de façon si insinuante
et presque entendue !


Or, sans ton amour,
que vaut la vie
et que vaut le confort matériel ?


Oui, que valent sans toi
le recueillement lui-même
et la retraite au fond de la plus plaisante
des campagnes ?


Et toi d’enlever le peigne d’argent
qui retenait ton chignon
et de laisser s’écrouler ta chevelure
sur tes belles épaules,
lisses et rondes à souhait !


Et, sous prétexte de prendre
une pose plus reposée,
tu me fais voir tes cuisses
qui vont s’arrondissant vers le haut,
comme des serpents déroulant leurs anneaux,
et le commencement de tes fesses
à la courbe de luth !


Sous prétexte aussi
de lever les mains
pour éloigner de ta tête une guêpe,
tu me fais voir tes aisselles embaumées,
voire tes seins compacts,
poudrés de safran !


Non, vraiment, il ne peut y avoir
de bien-être pour moi,
tant que je ne caresse pas ta peau
plus délicate qu’un tissu de Lahore !


Et je ne puis me sentir charmé,
tant que tu n’es pas là
pour décocher en ma direction
les flèches acérées de tes prunelles
qui partent toutes de l’arc
en bois de manguier
de tes sourcils semblables à deux tildes !


Et que valent tous les parfums
de la nature indienne,
si je ne sens ton haleine de nénuphar
sur mon visage ?


Précisément, en quoi consiste la douceur,
si je ne sens pas sur mes lèvres,
consumées par la passion,
la pression du papillon de nuit
de ta bouche,
plus tendre que toutes les roses rouges ?


Et comment ne pas songer
à la nourriture des dieux,
à cette ambroisie
tant jalousée par les mortels,
quand tu me parles d’amour
de manière si capricieuse ?


Or, ton amour surpasse
tous les contes de fées
de nos aïeux
par la grande tendresse,
même mélangée
d’une apparente désinvolture,
qu’il faut attribuer à ton nonchaloir !


LE CHATEAU DES DESIRS

PUBLIE PAR ENCRES VIVES. COLL. LIEU. SEPTEMBRE 2009