À Hozeïla les Lunes


Ô noble jouvencelle
de la tribu guerrière des Békrides,
tu étais la véhémente fille de l’étoile du soir
et tu embaumais la rose et le jasmin,
cependant que tes cheveux
empruntaient leur parfum
aux féeriques nuits d’Égypte,
plus extraordinaires
et plus bouleversantes
que les nuits elles-mêmes de Chine !


Des perles noires
ornaient ton cou
plus blanc que le col des cygnes
et des diamants rouges
adornaient la raie de ta croupe,
livrée au vent du Sud !


Car tu t’élançais toute frémissante
et toute nue
dans la bataille
dont l’enjeu était la beauté !


Et les bras en avant,
tu encourageais les braves de ta race,
en leur promettant comme récompense
de leur courage et de leur vaillance,
ton jeune corps plus élastique que l’acier,
ton âme vierge de toute souillure
et ton esprit libre,
débarrassé du fardeau des conventions !


Puisse l’ode présente,
à titre posthume,
ô plus vivante que Satan
et que les déesses de l’Arabie païenne,
oui, puisse cette ode
servir de tapis à tes pieds,
plus effilés que les pieds
des princesses indiennes, chinoises,
andalouses ou turques,
plus chauds que les pattes
des méharas enceintes
et plus agiles
que les plumes des fauconnes !


Puisses-tu aimer mes vers
en les jugeant plus durs que mous,
plus ardents que tièdes
et plus opulents que pauvres !


Sache que tant que je vivrai,
je te chanterai
et, au moment où je quitterai ce monde,
sans doute prononcerai-je ton nom,
à côté des noms qui me sont
les plus chers !


Or, quand tu es morte,
les étoiles se sont éteintes
et les lunes sont tombées !


Car tu étais nos étoiles
et nos lunes !


L'INTERMINABLE ETE

RECUEIL INEDIT. DU 15 AU 20 JUILLET 2009