Le Vaincu de la Beauté
Je suis le vaincu de l’éclatante beauté
de ta face,
l’aliéné de tes regards triomphants,
le tué de ta croupe victorieuse,
le massacré de ton coeur glorieux,
l’égaré de la nuit somptueuse
de ta chevelure constellée de perles !
Et non seulement je suis un tué
et un massacré de tes mille charmes,
je suis aussi l’enivré du sirop de violettes
de ta salive,
l’assoiffé du sorbet au sucre
et à l’eau de rose
de ta voix,
l’enchanté de la vanille de ta peau,
l’émerveillé de l’haleine
de fleurs d’oranger
exhalée par ta bouche !
Et, non seulement je suis un enchanté
et un émerveillé de tes mille arômes,
les uns plus musqués que les autres,
je suis aussi l’anéanti,
oui, l’annihilé du soleil de paradis
de ta vulve bénie,
le noyé de l’océan de tes hanches,
l’écrasé de tes cuisses rondes et potelées,
lisses comme la lame d’acier
des épées indiennes !
Et, non seulement
je suis le prince aboli et anéanti
de ta volupté,
je suis aussi le troubadour
ébloui par la vastitude de ton âme
et dont le coeur est émietté
par l’éperdu désir de te posséder
une fois pour toutes,
oui, je suis le poète
dont le corps est épuisé,
à force de patienter !
Mais je m’aperçois tout à coup
que ma raison est aussi
en train de me quitter :
tel un nouveau Majnoun,
je m’en irai errant
et fou,
car l’éloignement de tout
ce qui me rappelle ton existence
est préférable au séjour
sur les lieux mêmes
de ma douleur !
Cependant, sache que,
quand même cette république
déploierait toute son armée
pour te garder
loin de mes yeux,
et quand même tu deviendrais toi-même
une inexpugnable forteresse,
je saurais atteindre
le but de mes désirs,
oui, je saurais boire un jour
l’eau qui me désaltèrerait,
à l’endroit même où elle coule :
dans ton giron,
ô vierge plus belle
qu’une Reine de naissance !
LE PAVILLON DES PARFUMS
RECUEIL INEDIT. DU 21 AU 28 JUILLET 2009