Les Fiançailles des Lèvres


Dans ma jeunesse tourmentée,
je ne chantais que la Bien-Aimée absente,
que les crucifixions successives de l’âme,
que les écorchements douloureux du coeur,
que l’agonie prolongée des roses !


Aujourd’hui, ayant gagné en sagesse
ce que j’ai perdu en haine de moi-même,
je chante les odorants jardins de fleurs
dont les roses sont tes lèvres,
ô bien plus belle
que toutes les roses
et que tous les jardins !


Or, de tous les jardins
et de tous les vergers,
le miel et la rosée sont
ta chair embaumée,
les poires juteuses, tes seins
et les pastèques sucrées, ta croupe,
ô bien plus savoureuse
que toutes les poires
et que toutes les pastèques !


Et je ne rêve plus
qu’à tes yeux noirs de gazelle
et à tes cheveux de pouliche noire !


Ta taille,
souple et flexible
comme un rameau de saule
et mince ainsi qu’une tige de jasmin,
me console de la vie ingrate
et me fait entrer en transe
ainsi qu’une ode ancienne,
reprise par le choeur des navires séraphiques
couronnant le havre du bout du monde
où je passe des moments inoubliables
en ta délectable compagnie,
aussi galante et aussi délicieuse
qu’une statue représentant Aréthuse
et se dressant sur le vieux port de Syracuse
ou que la Vénus Anadyomène
de Sandro Botticelli !


Et, à chaque aube commençante,
de vider une coupe nouvelle
où tu as déjà bu,
joignant de la sorte
à l’ivresse du vin
l’ivresse de l’union,
à travers les fiançailles des lèvres !


LA FEMME-POISSON

RECUEIL INEDIT. DU 29 JUILLET AU 05 AOUT 2009