La Fiancée d'Or
À une époque
où, au milieu de l'universelle servitude,
tout écrit, tant soit peu puissant,
est tenu pour malséant,
voici l'hymne que les nues qui passent
m'ont poussé à composer pour toi,
ô maîtresse royale
des océans d'or de ma félicité
parfumée d'aurores
encore à venir:
ô ma prêtresse d'Ethiopie,
rien que pour pouvoir contempler
à loisir
tes prunelles de malachite,
je te donnerai toutes les bagues d'or
dont sont chargés mes doigts
et qui portent l'effigie de la Victoire,
ou les clous d'argent
de mes sandales
ou les colonnes smaragdines
de ma maison!
Ô mon Impératrice,
rien que pour pouvoir
m'allonger à tes côtés
en haletant de plaisir,
j'irai au bout du monde
chercher la Toison d'or
entreposée en Colchide
et le trésor qu'emporta l'empereur d'Iran
Cyrus le Grand,
après sa victoire sur Crésus,
auquel s'ajoutent
une multitude d'ouvrages somptueux
dont un trône, un platane d'or
et une vigne,
également en or!
Ô ma souveraine
aimée de toute mon âme,
rien que pour voir osciller
comme une escarpolette de gemmes
ta croupe nue,
je te donnerai
les armes d'or de Glaucos,
ce héros qui s'est battu avec bravoure
sous les murs d'Ilion
ou cette bulle d'or
dont fit présent le Roi de Rome
Tarquin l'Ancien
à son fils, encore enfant,
pour être venu à bout d'un ennemi
ou un de ces torques d'or
dont les gentilshommes gaulois
se paraient
avant d'aller au combat
ou ces quinze mille livres d'or
que le dictateur romain Sylla
fit porter en triomphe
dans sa ville natale
et qui furent le prix de ses conquêtes
ou, enfin, le manteau
tout en or
d'Agrippine!
Car, il y a équivalence et parenté
entre toi et l'or:
tu es aussi dense, aussi malléable,
aussi extensible en largeur
et aussi inaltérable que l'or,
et, comme ce métal noble,
tu serais en sécurité
même au milieu d'un incendie
ou sur un bûcher!
Et, quand même ton corps périrait
dans les flammes,
ton image resterait toujours gravée
dans la puissante mémoire
des poètes immortels!
C'est qu'elle serait
l'image d'une princesse incomparable
dont la qualité,
à l'instar de la qualité de l'or,
s'accroîtrait
à chaque fois qu'elle passerait au feu!
Ô toi, mon or, mon argent,
mon cuivre et mon bronze,
viens dormir victorieuse
dans mes bras,
ô ma Reine de Haute Egypte,
ô mon Impératrice d'Abyssinie!
PRUNELLES DE MALACHITE
RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2006