À la Soeur de l’Eté


Ô soeur de l’été,
mon musc et mon oliban,
ma fleur d’Iran,
ma blanche colombe,
mon hermine d’Arménie,
mon lys des plateaux d’Anatolie,
ma gazelle de Chine,
mon aigle du Féristan,
ma tigresse de Sibérie,
ma toute jeune vierge d’Iméréthie,
ma jouvencelle épanouie
sur les bords du fleuve Terek,
ma petite nue de Nigritie,
mon roseau d’Euphrate,
mon papyrus du Nil,
mon beau cerisier de Kamâl,
que mille grâces te soient rendues !


Pâmé de reconnaissance,
je tombe à tes pieds
que j’arrose de mes larmes de bonheur,
cependant que je couvre de baisers
tes jambes tapissées de sable d’or !


Or, tu ressembles aux amoureuses du temps passé
comme le jour à la nuit
ou comme la verveine aux orties
ou comme le rossignol aux moineaux
ou le champignon comestible
aux champignons vénéneux !


Tu es belle comme Roudabeh,
mais aussi éloquente que Chirin,
la maîtresse de Khosroès Perviz !


Oui, tu es digne d’Iskender
ou de Gengis Khan
ou de Kouttoûb ed Dîn,
empereur de l’Hindoustan !


Et Tamerlan lui-même
ne serait pas digne de partager ta couche !


Or, c’est moi, le Piètre, moi, le Maudit,
qui découvris ta beauté !


Et j’ai confié la nouvelle
de cette découverte
à une libellule
qui trouva bon de la répéter
à un papillon !


Mais ce dernier fut si indiscret
que la rumeur soudaine
de mon heureuse navigation
dans tes entrailles
ou de ma pénétration merveilleuse
en toi,
se répandit aussitôt
dans tout l’Ispahan
et de là, dans tout le monde civilisé !


Car, alors que la plupart
des jeunes filles ne dégagent qu’une faible lumière,
toi, tu disposes à l’intérieur de ton corps
d’une grande torche nuptiale,
oui, d’une torche allumée
dont le flamboiement te dore
du front bombé et pur
aux chevilles fines !


L'ILE REVEUSE

RECUEIL INEDIT. DU 06 AU 12 AOUT 2009