L’Icône Incomparable


J’avais jadis sacrifié mon âme
aux belles arabo-andalouses,
plus belles que la lune d’Août
à Malaga
et que le soleil de Mai
à Grenade !


Or, elles étaient farouches,
nobles, généreuses
et ô combien, gracieuses !


Elles embaumaient toutes
la citronnelle et le cinnamome,
l’ambre indien et le musc de Tartarie,
la myrrhe et le benjoin
et l’oliban de l’Arabie heureuse !


Rien qu’en évoquant leur souvenir,
mes hivernales nuits sans lune,
où les loups hurlaient,
se métamorphosaient en estivales nuits
de pleine lune,
où seuls les grillons se faisaient entendre !


Et quand, nuitamment,
je m’aventurais hors de ma demeure,
entraîné par leur parfum,
la nuit devenait semblable à une aurore !


Je m’épris de l’une d’entre elles,
suprêmement belle !


Elle était pure comme un soleil sans mélange
et son visage était un soleil grenadin
et sa chevelure, une nuit malaguène!


Oui, elle unissait le soleil
à la nuit !
Il suffisait que je plonge mon regard
dans ses cheveux
pour qu’à midi je me croie
en pleine nuit
et il suffisait que je me penche
sur visage
pour que la nuit se change
en lumière du jour !


Elle avait les doigts fins,
les ongles parfumées à la rose
et la voix miellée !


Elle était la plus belle
d’entre les voluptueuses et douces vierges
de son temps !


Elle était une pleine lune
qui baignait les palmes
et, dans mes bras,
elle se mourait d’amour
comme une colombe blanche
sur une branche de peuplier,
périssant de désir,
languissant de passion,
voyant en moi un dieu
et, en même temps, maudissant le destin
qui semble vouer les dieux
à l’inaction !


Or, j’avoue que dans ma jeunesse
je désirai l’impossible
et j’en étais presque venu
à souhaiter que ma Bien-Aimée
fût hors d’atteinte,
comme une Reine inaccessible !


Elle avait transformé
le lieu désolé où je me trouvais,
d’un désert stérile qu’il était,
en une roseraie !


Chaque fois qu’elle s’approchait,
la terre resplendissait
de la beauté des paons,
mais quand elle s’éloignait,
la terre elle-même
devenait un sombre et humide sépulcre !


Oui, je me suis sacrifié à toi,
ô beauté racée et magnanime,
ô icône incomparable !


Tu fus l’éclair
qui illumina les nuages de ma jeunesse
et l’ondée qui s’ensuivit
et qui me submergea,
après avoir versé sur moi
un vin qui à jamais témoigna
du Paradis !


Et tu m’élevas de la sorte,
bien au-dessus de ce qui est humain,
rien qu’humain !


PHARES D'ESPAGNE

RECUEIL INEDIT. DU 07 AU 14 SEPTEMBRE 2009