Pluie Fine de Septembre

Tu es une pluie fine et attristée de Septembre
qui se pose doucement,
ainsi qu’une bayadère
à la cour du Calife de Cordoue,
sur le jardin de mon coeur
dont les mille émeraudes
se mettent à luire,
ainsi que des éclairs,
et les mille yeux à étinceler
comme des éblouissantes épées
en acier du Yémen !


Voilà pourquoi, quand on prononce ton nom
devant moi,
une grande fraîcheur pénètre
tout mon corps,
sauf mon coeur qui est un papillon en feu !


Et, quand tu marches toute nue
dans le Generalife,
tu ressembles à une lance qui frémit
ou à une fusée qui flamboie !


Or, je donnerais ma vie
pour une seule heure
passée avec toi !


Et je donnerais la fontaine, le printemps
et la saveur de ma jeunesse
pour ta croupe, cette fontaine de Grenade,
ce patio de Séville
et cette pastèque
de la huerta de Valence !


Quand tu me regardes,
c’est comme si un éclair
était prêt à exploser
dans le ciel nocturne
ou comme si tu me caressais
avec le sabre d’Al-Mansour
au fil tranchant
et que moi je tremblais
tout en me délectant
des narcisses de tes longs yeux !


Or, je suis fou,
à la fois de ton regard farouche
et de tes doigts fuselés :
Tes grandes prunelles noires me poignardent
au milieu d’une grande volupté,
secrète et partagée,
et tes doigts si fins sont fascinants
quand ils touchent les cordes
de la guitare cordouane !


Et ta princière chanson espagnole
de s’élever alors
parmi les prières de la nuit,
comme le chant d’un rossignol persan,
de ce boulboul passionné,
tant célébré par les trouvères
et les ménestrels d’Orient
et d’Occident !


Ô enjôleuse qui t’es emparée
de mon coeur,
tu es mon paradis et mon enfer,
selon que tu te rapproches de moi
ou que tu t’éloignes !


Mais je me soumets volontiers
aux lois d’airain de ton amour
dont je suis le premier concerné
et le plus fervent des défenseurs !


Et sache que je suis,
quoique tu en penses
ou tu en dises,
oui, je suis le plus aimant des amants
et le premier qui est mort d’amour,
après Majnûn !

PHARES D'ESPAGNE

RECUEIL INEDIT. DU 07 AU 14 SEPTEMBRE 2009