Grand Chant d’Amour Andalou


J’ai appris la félicité
des magnifiques yeux d’une gazelle
qui, à elle seule, justifiait l’amour
et la jeunesse !


Son corps était d’amour,
elle avait pour yeux deux narcisses
ou deux marguerites,
sa taille était un rameau
de saule pleureur,
sa croupe était la lune de Valence
quand elle est pleine en Juillet
ou le soleil, quand il se lève en été
sur Murcie !


Ses seins étaient deux colombes blanches
sur la branche d’un peuplier
ou Cadix et Malaga
se donnant la main
par-dessus la mer vaste
comme les deux phares d’Espagne
se reflétant dans une coupe
de vin noir !


Ses cuisses étaient des branches odorantes
d’olivier,
son pubis était taillé dans la malachite,
et sa vulve était de rubis !
Ses lèvres, elles, étaient deux jujubes rouges !


Et elle rivalisait de souplesse
et d’élan
avec les pouliches les plus racées
d’Arabie !


À sa seule vue, un feu d’âtre
s’allumait dans mon coeur,
attisé par mon désir éperdu !


Or, c’était une jeune gazelle
issue en droite ligne
de l’antique Andalousie, la vraie,
ce lieu qui sombra
dans l’océan de l’oubli,
au point de paraître imaginaire
à notre entendement !


Or, quand je rêve à l’Espagne musulmane,
me vient à l’esprit
ce vers d’Ibn Zaydûn de Cordoue :
« La vie était verdeur
et le temps jeunesse !»


C’est qu’alors l’Espagne
se ceignait les reins
de l’étendard vert du Prophète,
et, étant jeune, elle avait de la considération
pour le jihad,
cette guerre intérieure que s’impose l’amant
qui fait l’offrande de son coeur
à l’aimée !


En ce temps-là, l’amoureux buvait
le nectar des déesses maures
aux lèvres de sa Bien-Aimée
et dans le vin de Malaga
montaient les étoiles dansantes !


Et la colombe cendrée
chantait dans la ramure,
les robes des jeunes femmes chatoyaient,
cependant que leurs regards obliques
jetaient des flammes
qui fascinaient !


Et Ibn Zaydûn de proclamer Cordoue, sa ville,
« patrie des plus belles natures ! »


Or, mon amoureuse était une Andalouse
de race pure
et la regarder dans les yeux,
c’était pour un chrétien,
se baptiser dans le Guadalquivir,
ce Jourdain andalou !


PHARES D'ESPAGNE

RECUEIL INEDIT. DU 07 AU 14 SEPTEMBRE 2009