Le Baiser Chaste


J’ai emporté ton souvenir
jusqu’aux extrémités de l’Europe,
voire en Orient Extrême !


Et dire que tu t’es dérobée
à mon étreinte
par un subterfuge
inspiré par ma mauvaise destinée !


Hélas ! Je ne me souviens
que de ton visage enchanté,
à l’exclusion de tout détail anatomique !


Or, ta beauté tenait à la fois
de la beauté de la forêt amazonienne
et de la splendeur de la Méditerranée
au clair de lune d’été !


Afin de reconstituer par l’esprit
ton entière beauté,
j’ai recours à des procédés
que des critiques insensés
jugeraient douteux,
mais, c’est le seul moyen
de rendre compte de ta splendeur d’alors !


Voilà pourquoi, quand j’évoque
les appas de ton corps
svelte et mince,
je songe aux appas d’autres jeunes filles,
moins belles que toi
et, naturellement, dépourvues
de ton merveilleux sourire
qui semblait émaner
des profondeurs de l’été !


Tu avais les yeux grands et noirs
et ton regard semblait
le regard de la pleine lune de Juillet !


Ta chevelure, elle, n’était pas noire,
mais châtaine,
et tu la laissais flotter
sur tes épaules,
comme toutes les jouvencelles
de ton temps !


Je comparerais volontiers ta chevelure
à la montagne Sainte-Victoire
qui domine Aix !


Tes lèvres, certes, n’étaient pas
des coraux rouges,
comme on l’affirme souvent dans les poèmes,
mais des roses pâles,
car la fièvre d’exister
les consumait !


Quoique tu fusses, en bonne fille du Sud,
indolente, voire paresseuse,
ta démarche était résolue et fière,
et ta présence était celle
d’une Reine !
Puisse le Seigneur
protéger ta paresse glorieuse,
maintenant que, sans doute,
tu te promènes dans les bosquets du paradis !


Tu avais le prénom païen
d’une déesse des Espagnes
et ton nom était un de ces vieux noms castillans
qui vous enlacent l’âme,
comme un jasmin enlace un rosier
au jardin de l’oubli !


Cependant, tu venais du Mexique,
pays vers lequel, en ces temps d’innocence,
tous mes rêves me portaient !


J’ai tout abandonné pour toi,
pourtant tu es partie,
et, en guise d’adieu,
tu m’envoyas de loin
un de ces sourires inoubliables
dont tu avais le secret !


Ô Seigneuresse de l’Amour,
donne-moi comme antidote
à la nostalgie
la poussière de la route
où les pas de ma Bien-Aimée
laissèrent leurs traces !


Hélas ! Je n’ai pu cueillir
la rose de sa bouche
et elle ne m’a donné
qu’un chaste baiser
sur mon front
qui, en ce temps béni, était pur
comme un soleil d’aurore !


VENTS DE QASIDAS

RECUEIL INEDIT. DU 22 AU 27 SEPTEMBRE 2009