Le Général Triomphateur


Vite, que l’on ceigne mon front
avec les lauriers du triomphe !


Que l’on tienne ouverte
la Porte de la Victoire
par laquelle j’entrerai dans la ville,
debout sur un char d’or
tiré par six alezans
richement harnachés,
cependant que des cerfs-volants
de toutes les couleurs
sillonneront le ciel,
lancés par des soldats téméraires !


Et le peuple, venu au-devant
du vainqueur,
m’acclamera,
m’ovationnera,
m’applaudira !


Car vainqueur je suis,
oui, vainqueur, non pas
de quelque citadelle imprenable
que j’aurais assiégée pendant des mois,
mais d’une belle
à qui j’ai fait une cour assidue
pendant des années !


Or, c’en est fait de cette douce forteresse
derrière laquelle se cachaient
les vergers de Canope,
oui, la campagne voluptueuse
de la vallée du Nil,
ce fleuve victorieux
qui se jette par sept bouches
dans la Méditerranée !


Ma victoire est d’autant plus méritoire
que je n’ai versé une seule goutte de sang
et je n’ai fomenté aucune guerre nouvelle
et je n’ai causé aucun autre trouble !


Oui, j’ai tenu dans mes bras
ma jouvencelle aimée,
ma maîtresse célébrée,
ma femme adorée !


J’ai été à la fois cavalier,
fantassin et porte-enseigne :
j’ai chevauché ma belle
comme un puissant étalon
sa fière jument,
j’ai marché sous un soleil de plomb,
dans le brouillard matinal,
sous la pluie glacée
ou sous la neige,
afin d’aller à des rendez-vous aléatoires,
exigés pourtant par ma Bien-Aimée,
et j’ai porté vos oriflammes,
ô Amour, et Toi, Vénus,
Sa Mère !


Et je ne dois ma victoire
à personne d’autre
que moi,
oui, ma victoire n’est due
à aucun autre chef ou soldat,
car j’ai été moi-même
et le soldat et le général
dans cette lutte pour le plaisir,
dans cette guerre pour la vie,
enfin couronnée d’une gloire immortelle !


LA CAVALIERE DE FEU

RECUEIL INEDIT. DU 20 AU 26 OCTOBRE 2009