Hymne à la Femme


Heureux celui qui a recueilli,
comme dans un miroir d'eau,
les pensées délicates de Mir Ali Hadid,
lettré ispahani,
qui, comme un ramier de la place du Meïdan,
chantait les louanges de la femme
vers l'an 1000 de l'Hégire
ou au dix-septième siècle
de l'ère chrétienne,
époque où, en France,
les libertins n'osaient signer leurs oeuvres,
saisis par la crainte du Roi!


En effet, Hadid le suave
affirmait que seul est croyant
le sage qui frémit
en se penchant sur la bouche
de sa Bien-Aimée!


À mon tour et à la manière
d'un acte de foi
en la vérité de ses propos,
je prétends que seul peut porter
le nom de dévot
celui qui, en se consacrant à l'adoration
des oeuvres du Seigneur,
s'abandonne de la sorte
au désir de la femme!


Car la femme est,
non seulement la merveille de l'univers,
mais aussi le seul fruit
pouvant apaiser la faim
des mendiants de l'amour,
ces sultans de l'âme,
ces rajas du coeur,
ces Khans des délices,
ces Shogouns de la volupté,
ces Césars des sens,
ces rois du soleil levant,
ces princes de la pleine lune,
ces empereurs du monde,
ces stratèges du désir,
ces consuls romains de l'espérance,
ces triomphateurs vénusiaques,
ces parfumeurs des demoiselles
au corps de neige odorante,
ces pardonneurs des filles de joie!


Car elle est un fruit
dont le musc humilie
l'arôme des pêches d'Iran,
des raisins de Carmanie,
des abricots d'Arménie,
des cédrats de Chypre,
des coings de Crète,
des poires de Thessalie,
des grenades de Carthage,
des citrons d'Al Andalus
et des limons des Antilles!


Oui, la femme ne peut être comparée
qu'à la rose d'Ispahan
et qu'à la violette d'Athènes,
et cette comparaison
ne peut être qu'à son avantage!


Or, elle est un fruit
qui mûrit lentement
dans la paix des paradis
terrestres de Perse,
contrée où les femmes sont si belles
que les savants et les philosophes
s'y prosternent devant elles
ou s'extasient à la simple évocation
de leurs appas!


Oui, la dame grandit
dans la paix de la nuit des oasis
et s'accomplit et se réalise
dans la lumière des Dieux!


À peine formée,
voilà qu'elle aspire déjà
à s'épandre comme un printemps
aux milliers d'oiseaux
et à s'éteindre dans les bras
de son amant!


Donc, en dormant avec la dame,
on ne s'éloigne point de la divinité,
puisque notre Bien-Aimée,
en s'éteignant dans notre passion,
s'identifie avec la Déité
et devient une Déesse
qui s'offre à notre adoration!


TRAITS DE CRISTAL

RECUEIL INEDIT. JANVIER 2007