Le Suppôt d’Éros


Je suis fait à l’image d’Éros,
le Cupidon des latins,
le Kama des Indiens !


Comme Lui, je suis le berger
des amoureux !
Et je conduis mes ouailles
vers les embrassements réciproques
et les enlacements mutuels,
tout en leur enseignant
l’art de coucher côte à côte,
tout nus !


Car, sans baisers, sans étreintes
et sans amoureuses coucheries,
point n’est possible
de trouver un remède à l’amour
qui tant fait souffrir nos âmes
et palpiter nos coeurs,
tout en glaçant nos corps
ou au contraire, en les faisant brûler
d’un feu qui vient tout droit
des Dieux !


Or, on ne peut, quand on aime,
ni manger avec appétit,
ni boire avec soif,
ni goûter le plaisir du sommeil,
si on ne satisfait pas au besoin d’embrasser,
d’étreindre et de pénétrer
ou de se faire pénétrer !


Et comme Éros, une fois que j’ai réussi,
par un art vieux comme le monde,
oui, quand j’ai réussi à unir
un couple d’amoureux,
j’entre dans les jardins privés,
j’y prends plaisir aux fleurs
et aux plantes
et je me baigne dans leurs fontaines,
leurs sources
ou leurs jets d’eau,
et j’irrigue par mes bains
ces fleurs et ces plantes !


Puis, tel un tendre rossignolet,
je saute dans les arbres
de branche en branche
et, parvenu à la cime,
je disparais dans le ciel attique,
en suivant à la trace Éros,
mon Dieu qui n’aime que la jeunesse
et ne recherche que la beauté !


Quel est donc cet art,
vieux comme le monde,
par lequel je parviens
à unir les amoureux ?
Ce n’est autre que l’art poétique
qui tant aide à se rapprocher entre eux
deux coeurs qui s’aiment en secret
et ne cherchent
qu’à se déclarer !


Or, quand je serai emporté
loin de ce monde,
je veux qu’on se souvienne de moi
comme d’un suppôt d’Éros,
ou de l’instance humaine
du plus redoutable
et du plus doux des Dieux !


BAISERS AMERS

RECUEIL INEDIT. DU 12 AU 20 NOVEMBRE 2009