À une Belle Troublante


Soit que je n'ose jamais
affronter le regard d'une belle,
soit que les belles dames manquent
dans cette contrée et dans ce siècle,
soit, enfin, que les femmes
toujours se délectent à piétiner les trouvères, je ne connais aucune
des joies de l'amour!


Cependant, les Dieux me donnèrent,
ô toi, mon beau tourment,
oui, les Dieux me donnèrent de goûter
avec les yeux
ta face qui reste lumineuse,
même dans la soie de Laristan
d'une nuit d'été à Basrah,
ta gorge qui chante comme la qasida
d'un poète andalou
et, surtout, ta croupe large
comme le Chatt-el-Arab
et délicieuse comme une urne
d'eau de rose d'Irak
ou comme une coupe de vin
de dattes de Syrie
et qui, elle aussi, chante,
mais comme un poème de Hafiz
dont les vers langoureusement raffinés
ornent, à la manière d'une inscription,
les murs des palais somptueux de l'Orient!


Or, dès que je t'aperçois,
mon haleine devient oppressée,
ma bouche se dessèche,
ma tête bourdonne
et mes yeux se noient dans une vapeur suave
pareille à la fumée parfumée d'une pipe
et, quant à mes paupières,
elles battent affreusement!


Voilà de quelle façon
tu me domines,
moi qui suis si timide
que je reste sur place,
interdit et confus et interloqué,
cependant que tu passes ton chemin,
impérieuse comme une sultane
et douce comme une Déesse!


LA COURONNE DE GLYCINES

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2007