À Maria Taglioni, Ballerine Romantique


Ô Maria,
ballerine de jadis,
ton coeur fut
l'innocence d'une fleur de cerisier
en Avril
quand des gouttes
de sang de poète
tombent dans son calice
comme une allusion céleste!


On t'appelle romantique!
On veut peut-être dire
romanesque!


Sans doute,
tu fus une prêtresse de Vénus,
une amoureuse sensuelle
voulant pour sa chair
plus qu'une pure destinée
de lys blanc,
imaginant pour elle
une Sylphide
conquérant la Terre
sur la pointe des pieds
ou une Lune
habitée de Désir
ou un Astre
aux rayons ardents!


Mais si je te loue ainsi,
ce n'est pas
à cause de ton front aérien
ou de tes prunelles
pareilles à une pluie de Sirius
sur une figure terrestre!


Ce n'est même pas
pour ta danse exquise
que je ne connais
que par les livres!


Je te loue
parce que tu fus
à l'opposé de la femme
d'aujourd'hui
qui vit dans un monde de fous
d'où l'Amour est absente,
morte ou assassinée,
en tout cas exclue,
et où la jeune fille
ne se livre plus
qu'à des simulacres d'Éros
pratiquant le sexe
non comme un accouplement heureux
de singes fascinants,
ce qui serait passionnant,
sinon humain
et encore moins
surhumain,
mais comme une conjonction
d'éléments fragmentés
ou comme une association de choses,
une combinaison de câbles
ou des machines!


Dans cet univers
où seul le minéral
résiste à l'érosion,
qu'importent désormais
les chants de rossignol
adressés à l'Aimée!


Qu'importent
la Pâque du Renouveau
de la Nature,
la Résurrection des seins
des jouvencelles!


À nos villes pétrifiées,
à nos campagnes figées
parviennent cependant
quelques rayons du Futur,
qui ne fut jamais
aussi peu certain,
et quelques étincelles
d'un passé oublié,
depuis longtemps enseveli!


Ô Maria Taglioni,
au nom déjà effacé
de la mémoire des nations,
tu es une étincelle,
une braise non éteinte,
une rose non fanée,
une beauté immarcessible!


Car pour toi
l'Amour n'est pas
une plaisanterie
mais l'Arc-en ciel
de la Victoire!


MUSIQUE DE PALME

RECUEIL INEDIT