Détresse d'Exilé


Une terrasse aux lampes ajourées
et donnant sur le Chao Praya,
un verger chargeant l'air
de suaves parfums de manguiers
et de papayers,
un jardin bouddhique
aux massifs de frangipaniers
et aux lacs artificiels
où frétillent les poissons-chats,
un petit autel au toit incurvé
où trône un boddhisattva,
ma Bien-Aimée assise à mes côtés
sur un large fauteuil d'ébène,
la hanche élastique et ronde
collée à mon flanc,
et les prunelles pareilles à des carpes
dansant et chantant langoureusement
dans un étang de princesse du sang,
oui, toutes ces choses sont
la cause de ma détresse d'exilé
au milieu d'un crépuscule
s'attardant sur les premières fleurs
du printemps!


Or, ce crépuscule, par sa volupté,
me rappelle la façon
dont tu saisissais ta harpe
et tu fredonnais à mi-voix
un air du passé,
un air d'opéra chinois,
appris à toi, ô mon Adorée,
par un maître à danser
du palais d'été,
encore imprégné de la présence
de la dernière Impératrice de Chine!


Oui, il me souvient encore
de tes chansons à la mièvrerie apparente
et à la mélancolie essentielle,
enracinée dans un printemps à venir
immanquablement!


FEVRIER SUR LES TROPIQUES

RECUEIL INEDIT. DU 03 AU 16 FEVRIER 2010