Deux Rêves
Hier, alors que la dernière nuit d'Avril
touchait à sa fin
et que la première aube de Mai
établissait son camp,
j'ai fait un rêve étrange et téméraire:
j'ai vu que nous étions couchés tous deux
dans les violettes,
sur les pentes du mont Troodos, à Chypre la Riche!
Moi, je déclamais un hymne à la lune,
cependant que toi, tu m'accompagnais
sur la flûte, cette bergère
du troupeau de la paix!
Après avoir terminé ma déclamation,
j'ai moi aussi joué sur la flûte
un air de Pan agreste et vif,
où il était question de Limnanthis,
cette Nymphe lacustre
que Pan aurait aimée
par une nuit d'Avril,
alors que les giroflées embaumaient
et que les grenouilles vertes chantaient!
Et, de temps en temps,
nos bouches s'unissaient
sur la flûte aimée!
Plus tard, et alors que l'aube
devenait la plus belle des aurores,
j'ai fait un second rêve,
encore plus prenant que le premier,
où je te cueillais toute nue,
cependant que tu dormais
comme une petite perdrix blanche
dans la bruyère!
Et, dans ce second rêve,
je prenais ta tête par les oreilles,
comme une coupe par les deux anses,
et je vidais cette coupe,
en buvant le baiser de tes lèvres!
Et, chose à peine croyable,
ta tête devenait plus belle
que la tête de Cypris
et des marguerites d'or
poussaient sur tes oreilles
plus fines que les ailes de cigale!
Par ce premier jour de Mai,
où le vent du Nord,
qui a passé sur les vallées de roses,
agite notre mer Égée,
j'éluciderai, du moins je le pense,
oui, j'éluciderai le mystère de ces deux rêves,
et, s'il s'avère que ceux-ci sont vrais,
je te suivrai jusque dans ta demeure
et partout ailleurs
où tu jugeras bon
que je te suive!
A PAS DE CYGNE
RECUEIL INEDIT. DU 24 AVRIL AU 1ER MAI 2010