Le Rubis Musqué


Tu es un rubis qui embaume le mois de Mai,
tu es l'histoire de la pourpre en abrégé!


Pareille à une rose rouge de la campagne
ou à la vulve d'une jeune femme,
tu es le trésor caché, et presque honteux, du jardin,
l'étoile du clos,
la Déesse des champs,
le bel orgueil de la jeunesse!


Te comparer à la neige
et à la pourpre,
c'est honorer la neige et la pourpre,
mais c'est t'offenser dans ta fierté de femme!


Et prétendre que tes yeux sont des étoiles,
c'est oser affirmer que ce sont les étoiles
qui donnèrent naissance à tes yeux,
alors qu'en réalité, ce sont tes yeux
qui donnèrent naissance aux étoiles!


Il faut en conclure
qu'il est difficile de faire ton portrait
sans te blesser dans l'intime connaissance
de toi-même
et sans se blesser la vue soi-même,
puisque, regarder ton visage,
c'est se rendre aveugle à force d'être ébloui,
à chaque fois que tu lances
tes oeillades brûlantes de Carmen
et tes regards enveloppants de Chimène!


Or, qui suis-je, moi?
Je suis le ruisselet
qui tortueusement coule entre tes roses,
cependant que son cours
s'enrichit des larmes
que versent dessus les rossignols attristés!


Si je vivais en d'autres temps,
je serais un géant
qui menacerait le trône de Zeus!


Mais aujourd'hui,
je ne suis qu'un papillon nocturne
qui brille au feu
de ton coeur inclément!


Et chaque jour,
par des incendies répétés,
je porte la lumière du soleil de l'esprit
aux ténèbres de ce monde,
et mon éclat apollinien
au jour céleste!


Ô toi qui es plus épanouie que Flore,
la Déesse romaine du printemps,
et plus belle que Pomone,
la Déesse des jardins du Latium,
continue ainsi à faire s'envoler
de ma poitrine,
blessée par ta beauté
et ton haleine constellée de roses,
ces hymnes solaires
qui te glorifient!


LA GRANDE VENANTE

RECUEIL INEDIT. DU 21 AU 27 MAI 2010