À la Lumière des Lampyres


À la lumière des lampyres de l'été,
je lis ta lettre
où tu me dis ta douleur et ton humiliation
d'avoir été, à ton tour,
outragée par le temps écoulé
depuis ta jeunesse
et où tu exprimes ta nostalgie
pour la chambrette où tu habitais dans le temps,
loin des autres
et loin de la vie,
dans cette cité où le tronc
et le feuillage des pins
épousaient la forme de ton corps
et où le soleil et la lune
étaient pareils au soleil et à la lune
de ta contrée maternelle,
de ta matrie!


Mais ce qui me fait inonder de larmes
ma manche de samurai de l'amour,
c'est que dans ta lettre
tu me fais part avec modestie
de ton regret de ne m'avoir pas
fait entrer dans ta chambrette d'alors,
de crainte que ta solitude ne fût spoliée,
si tu venais à la partager
avec un amant!


Voici, à ce propos, tes propres mots:
"Combien je me trompais dans ma jeunesse,
en imaginant que ma solitude
serait anéantie,
si je partageais ma vie
avec un homme,
même épris de moi!"


"Or, j'ai lu quelque part,
dans tes vers, il me semble,
que la solitude dans le couple
d'amants égaux
s'épanouit jusqu'à ce qu'elle devienne
un Absolu,
oui, un aigle surnaturel
voyageant entre les nues pourpres
du couchant,
et le Soleil même du Surhomme!"


Ô ma Bien-Aimée,
ma fille adorée,
nous pleurons tous les deux,
non pas une amour évanouie, en allée,
égarée, perdue,
mais une amour manquée,
pareille à une occasion perdue
dans la longue chaîne des instants
qui forment une vie!


Ah! Puisse la lune
devenir un lac
où je verrai se refléter
ton cher visage!


Même flétrie par les années,
je crois que je t'aimerais de nouveau!


LA REINE DE LA MER

RECUEIL INEDIT. DU 06 AU 12 JUIN 2010