Ode À Arthur Rimbaud, Poète Né Dieu!


Ô Dieu de la résurrection des glaïeuls,
Infernal et olympien,
Saturnien et apollonien,
Eternel gamin au paletot troué,
Immortel collégien
Dont les fugues ressemblent
A des fugues musicales,
Potache perpétuel
Plein de fiel salubre,
Faux voyou
Et vrai honnête homme
De Grand Siècle,
Ô saint libertin,
Ô androgyne sacré,
Que ta sépulture inconnue,
Sans doute quelque fosse commune
Comme celle où gît Camoens,
Reçoive cet hommage tardif
Comme une rose de plus
Parmi les gerbes de fleurs
Tressées pour toi
Par les poètes qui te succédèrent
Dans le douloureux sacerdoce poétique!

Les prêtres de ton culte-
Infidèles comme tous les prêtres!-
Te louent d'avoir voulu
Déconstruire la syntaxe française
En invoquant en faveur de cet argument
Le dérèglement raisonné de tous les sens
Que tu recherchas
Tout au long de ta vie brève
De papillon de nuit,
Ivre de lumière
Des lampes de l'amour!

Or, il ne semble pas
Que tel fut ton propos!
Tu n'as voulu
Que mettre à bas un univers
Dont le curé était le sel fade
Et l'évangile l'épice d' Orient
Gâtée par les avaries!

Et c'est fut là
Ton premier coup de génie:
Dessiner pour ainsi dire
Une figure du Christ
En tant que prophète et voyant
Offensé, humilié, bafoué, piétiné,
Moqué, nié et maudit
Par ses propres partisans!

Certes, ta cruauté d'enfant
N'épargne pas les femmes
Dont tu ne fus aimé
Que petitement et sottement!
Verlaine, voilà ton maître
Et ta maîtresse,
Ton homme et ta femme,
Et tu suivis en cela
L'exemple de tous les sans -logis
Dont le seul recours
Est la madone des égarés!

Or, cette amour vagabonde
Fut ton second coup de génie!

Ensuite vint la fuite en Orient-
Et ce fut ton troisième coup de génie!

Tu partis précisément
Vers les contrées
Dont tu avais déjà goûté
Le paradis et toute l'essence
Dans une chambre parisienne
Croulant sous les livres,
Et dont tu assumas
Une fois sur place
Tout l'enfer
Avec la lucidité d'une comète
Ou d'un joyau d'artifice!

Ô Orpailleur de l' Érèbe
Et joaillier de l' Éden,
Tu es une oriflamme
De charbons encore ardents
Qui flotte toujours
Au-dessus de Charleville,
De Paris, de Bruxelles, de Londres,
De Harrar et de Marseille!

Marchand d'esclaves
Ou lettré visionnaire,
Placer la métaphysique
Hors de la portée
Des honnêtes gens
Confites en religion,
Ne fut pas le moindre de tes mérites!

Et ta beauté légendaire
Fut un signe ou un cygne
De ta divinité!
Ô Bel enfant, penche-toi
Sur la rivière du printemps,
Tu y trouveras ton image
De narcisse aimé d' Écho –Ophélie!

Oui, Ophélie fut ta seule amante,
O Hamlet du monde moderne,
Enfant des pavés de Paris!


SOLEILS DE SABLE

RECUEIL INEDIT. MAI 2003