Le Petit Grillon de l'Amour


Ô grillon lunaire de mon âme,
chante pour moi
la très sensuelle vierge,
la très voluptueuse jouvencelle
qui se fait pénétrer, à une heure avancée de la nuit,
par l'ange vert de la Nature
et dont les mamelons durcissent
sous la pression des mains lubriques
de son amant
et dont la croupe se déplie
comme un éventail espagnol
ou comme le champignon
d'une bombe atomique!


Ô tout petit grillon de mon coeur,
n'est-ce pas que tu connais tous les secrets
de cette jouvencelle amie des plaisirs,
et n'as-tu pas suivi tous ses ébats,
hier tard dans la nuit,
du buisson où d'habitude tu te caches
pour épier les amoureux,
afin de mieux chanter leurs prouesses
sur ce champ de bataille
que devient le lit,
après la fin du crépuscule,
dans la nuit embrasée de Juillet,
où l'on entend les cris
des jeunes femmes qui se donnent,
cependant que les chiens
hurlent à la lune
et que l'eau murmure dans les rigoles
du jardin de lauriers-roses!


Ô toi, femme aimée,
compagne et partenaire,
tu es comme une chambre
à la pénombre apaisante et calme
que l'on retrouve avec plaisir,
après le tumulte et l'agitation de la cité
accablée de soleil!


Oui, tu es comme une maison
de bourg alicantin,
fleurant l'eau de Javel et le savon,
une maison aux murs de plâtre blanc
et au sol de plâtre lissé!


Or, ta peau couleur de blé
est proprette
et sent les essences aromatiques
des forêts d'Espagne,
comme l'huile de cade,
et celles venues des Amériques,
comme le chocolat,
ou d'Orient,
comme la vanille de Madagascar
ou la cannelle de Ceylan!


Oui, tu es diligente comme une fourmi
ou comme une abeille,
et propre et nette comme une chatte,
prenant en personne soin de ton linge
et de tes jupes et pantalons
moulants et blancs,
toujours immaculés,
toujours impeccables!


Ô amie mienne,
écoutons religieusement le petit grillon
perché dans tes cheveux!
Oui, écoutons-le chanter nos amours,
quand nous nous donnons
l'un à l'autre,
tout en faisant mille serments d'amour
dans la nuit profonde
du silence andalou,
réminiscence lui-même
du silence du Paradis!


Ô ma maîtresse mordorée que j'adore,
mon doux petit pin odorant,
gonflé de résine,
offre-moi ton bois,
afin que j'en fasse faire un coffre
aux motifs sculptés de Romancero gitan,
où je garderai mon habit de lumière
mauve et or
que je destine à mes futurs combats
avec le taureau de la vertu,
dont j'ai déjà rabattu le caquet
par le passé,
en lui assénant des coups
inspirés par ma propension naturelle
à la luxure,
cette bienfaitrice de l'humanité!


GIRALDA

RECUEIL INEDIT. DU 10 AU 16 JUILLET 2010