La Femme de Grenade
Lorsque, à l'aube d'été,
j'oscille entre rêve et réalité,
oui, quand je me trouve encore
plongé dans un demi-sommeil,
je crois te voir,
ô femme de Grenade
aux prunelles où scintille
la mer de Malaga,
unie aux reflets irisés
de la Sierra Nevada!
Oui, je crois alors effleurer de la main
ta peau,
pareille à un monceau
de plumes de perroquet,
et avec ça, odorante
comme la peau d'une pêche blanche de Juillet,
et aussi douce que l'air
d'un mois de Septembre levantin!
Or, je crois aussi distinguer
ta tête fière comme le mont
sur lequel les Maures bâtirent l'Alhambra
qui domine Grenade
et son bassin béni!
Et, avec cette image,
flatteuse pour toi entre toutes,
me revient à l'esprit
le souvenir de tes jeux de prunelles,
de tes oeillades, si tu veux,
auxquelles tu te livrais
lorsque, par un dimanche grenadin,
où les jeunes gens portaient
un brin de basilic à la bouche,
cependant que des pots de basilic
ornaient toutes les fenêtres
et tous les balcons,
répandant leur parfum ineffable,
oui, me revient alors la mémoire
des dimanches de Grenade,
où tu me souriais des yeux,
tout en me disant des chose graves!
Et, au moment de revenir tout à fait
à l'état de veille,
je me rappelle les détails de ta beauté,
surtout ces lèvres sans fard,
toutes pâles,
ni trop fines, ni trop charnues,
ou ce front large
où brillait parfois
le soleil de la mélancolie,
sans pour autant nuire
à la joie qui se dégageait
de ta chevelure brune,
pareille à une colline estrémadurane
ou à un coteau alicantin!
Ô petit grillon mystique
qui chantes un peu en retrait,
comme si ta voix venait
du gynécée d'une église,
raconte-nous
comment les yeux
de la femme de Grenade
me ravirent,
dès le premier instant
où je devins conscient
de sa présence
de petite chatte soyeuse,
dans laquelle se cachait
une tigresse blanche,
assise dans sa tanière
à moitié obscure
et léchant ses petits,
ou une fauconne surprise dans son nid
en train de couver ses grands oeufs,
aussi grands que ses yeux
qui voyaient dans l'obscurité!
GIRALDA
RECUEIL INEDIT. DU 10 AU 16 JUILLET 2010