La Femme au Corps de Clocher


Les cigales au chant électrique
portent dans leurs poumons ardents
le souvenir encore chaud
de ton amour vite allumée, vite éteinte,
comme une allumette dans le vent!


Pourtant, quel azur
que l'azur du jour
où nous fîmes connaissance!
Aucun autre azur ne saurait
lui être comparé!


Et, dans le fond,
la mer moutonnait à l'infini!
On dirait un pont fait de navires,
attachés les uns aux autres
par une longue chaîne d'acier,
oui, un pont de vaisseaux de guerre
conçu par un conquérant de génie,
lors du siège d'une importante cité marine!


Et quel corps tu possédais alors!
On dirait un fin palmier
ou un minaret converti en clocher!


Or, ton corps était un haut clocher
qui trouait l'azur,
ainsi qu'une épingle à cheveux!
Tu finis par arracher un morceau
au ciel, un morceau tombé sur la terre,
après avoir infligé une large déchirure
au firmament,
une déchirure qui existera
tant que tu vivras!


Tu étais si resplendissante
que, quand tu passais
près d'un bouquet d'orangers,
ceux-ci se dépouillaient de leurs fleurs,
afin de te les offrir!


Et l'on sait que les fleurs d'oranger
ont des vertus curatives:
elles calment notamment
les peines d'amour
et les fièvres dont la cause est
une sensualité longtemps refoulée!


Je me souviens qu'à l'époque
je t'offrais une rose,
en échange d'un regard passionné
et que je payais un chaste baiser de toi
d'un bouquet de rouges oeillets d'Espagne!


Et je me rappelle aussi
que ta cruche rapprochait entre eux ses bords
afin de boire tes lèvres,
à chaque fois que tu buvais!


Tu fus exquise, tu fus même belle,
mais tu fus volage
comme un papilionacée!
Tu avais un nombre impressionnant
de fiancés officieux,
mais tu te gardais bien de te donner!


Je ne sais si tu m'as jamais aimé!
Mais je sais que ton amour
n'a tenu que quelques jours
ou quelques semaines,
en ce mémorable été de ma jeunesse!


Après la fin de cet été,
par un jour froid de mistral et de tramontane,
tu me dévoilas le fond de ta pensée,
en me demandant de t'oublier
et de chercher ailleurs la tendresse
que tu ne pouvais me donner!


Or, je me vante précisément
de ma puissante mémoire
qui m'empêche d'oublier,
et je suis trop cohérent
pour être inconstant!


Ne suis-je pas un Fidèle d'Amour?
Et, en tant que tel, ne dois-je pas
toujours rechercher,
dans mes relations amoureuses,
la Raison lumineuse comme une étoile
et la Constance,
semblable à une roche basaltique?


Ne suis-je pas un Logicien
doublé d'un Mystique?
Ne suis-je pas un Mathématicien
de la parole structurée,
doublé d'un Lyrique?


Et ne dois-je pas respect et fidélité
à une femme dont les yeux expressifs
publient l'amour qu'elle nourrit
pour ma personne?


Par ces colombes aux yeux vifs
qui, perchées sur un câble électrique,
contemplent l'univers
de leurs regards de philosophes,
je jure que Dieu est une Femme
et que cette Femme,
c'est Toi!


FEU DE JUILLET

RECUEIL INEDIT. DU 17 AU 22 JUILLET 2010