La Brune du Midi
Ta hanche est semblable
à l'anse d'une cruche ancienne,
de celles que les jeunes Mauresques d'antan
portaient à la fontaine du village,
brunes comme la Sierra Morena
ou ainsi que les clous
avec lesquels on a troué le corps du Christ,
oui, brunes comme les cigales
et comme les cigares des messieurs!
Or, caresser ta hanche,
est le plus doux de mes rêves,
de ceux qui me visitent aux aurores de Juillet,
à l'issue d'une nuits de combats
avec l'ange de la concupiscence,
et de longs palabres
avec les séraphins et les chérubins,
le tout dans les sueurs froides
des nuits d'insomnie
dans lesquelles se complaisent les poètes
et tous les nostalgiques de la femme
et auxquelles prenaient goût
Don Quichotte en personne
et, à sa suite, tous les hidalgos
de l'Espagne ancienne
et, plus tard, les romantiques
de la vaporeuse Europe,
et les mélancoliques de toute origine!
Bien que porté plus à la mélancolie
des élus
qu'aux joies triviales du vulgaire,
je demeure un ivrogne
dont l'absinthe est l'oeil noir
d'une dame brune
et dont le vin sont les teintes
qu'adopte le soleil à son coucher,
ou la couleur flamboyante de la muleta,
cette étoffe rouge
qu'agitent les toreros aux corridas
et, derrière laquelle, ces derniers
cachent le terrible poignard
qui aura raison d'un puissant
et dionysiaque taureau noir!
Ah! Que ne suis-je cette brise divine
qui souffle sur le somment de la Sierra Nevada
et qui parvient jusqu'à Grenade
où sont nés tous mes soupirs,
oui, que ne suis-je la brise
qui caresse ta croupe,
en se glissant sous la mousseline
de ton jupon!
Mais ne faudrait-il pas aussi
que je fusse la brise
qui caresserait ton coeur
et ferait exhaler de ta poitrine
le soupir qui trahirait ton amour?
Viens, offre-moi les deux coupes de bronze
de ta croupe,
afin que j'y verse le vin pétulant
qui éveillera tes sens!
Ah! Comme je voudrais m'embarquer
avec toi
sur un phaéton volant
qui nous conduirait en un éclair
au soleil de l'été,
situé dans la mer du dixième ciel!
Car, c'est par le soleil d'été
que jurent toutes les brunes du Midi
et les poètes qui les chantent
de par le vaste monde,
et principalement aux Espagnes
qui donnèrent naissance
à la légende de Don Juan Tenorio,
acolyte de Bacchus
et de son fils Priape
et chantre, à ses heures perdues,
de la Vénus cosmopolite!
Ô brune plus chaude
que tous les brasiers de Juillet,
puissent d'autres ivrognes
se joindre à nous
dans les rondes rougeoyantes
de la Nativité de la Vierge,
au huitième jour du mois de Septembre!
LA DAME DE L'ETE
RECUEIL INEDIT. DU 23 AU 28 JUILET 2010