La Femme-Peuplier


Les blondes aux chairs roses,
au rire et aux larmes faciles,
ne rappellent, ni de près, ni de loin,
la beauté qui fut la tienne,
ô brune du temps passé,
ô noire de jadis!


S'il est vrai que les arbres sont des femmes
qui, quand on les arrose,
elles croissent,
et quand on les aime,
elles embaument,
oui, s'il est vrai, comme le rapporte la légende,
que les arbres sont des femmes,
et les femmes des arbres,
toi, tu fus un peuplier généreux
sur les rameaux duquel
venaient se reposer des centaines,
des milliers d'oiseaux
qui chantaient éperdus!


Et mes lèvres s'entrouvraient voluptueusement
au souffle de ta brise
et au bruissement merveilleux
de tes feuilles abondantes et vertes!


Et se dégageaient de cet arbre bien-aimé
une musique, une fragrance et une délectation
qui me caressaient le coeur!


Oui, tu fus le peuplier aimé
de ma jeunesse,
celui dont la sève ruisselait
comme la neige!


Tu fus un énorme,
un gigantesque peuplier
penché sur le Guadalquivir
où, en se mirant dans l'onde,
il s'unissait à son double!


Ô toi dont je demande les nouvelles
à la brise de montagne,
aux anémones de Février
et aux pâquerettes d'Avril,
qu'est-il advenu de toi,
ô mon arbre que je pleure?


Ô arbre adoré
qu'on a peut-être abattu,
désormais seules les choses inanimées
me parlent de toi:
les roses accablées de soleil,
les ors de l'aurore à Cordoue
ou la pourpre du soleil couchant
à Séville
ou l'Alcazar de Tolède!


Afin de me consoler
de ta dramatique absence,
je me réfugie dans la lecture
des histoires mauresques d'antan
et des contes merveilleux,
écrits par des auteurs
qui, comme moi,
aimèrent en secret
une Gitane dans l'âme
et une Mauresque dans le corps!


LEVRETTE MAURESQUE

RECUEIL INEDIT. DU 29 JUILLET AU 04 AOUT 2010