Congo


Ô Congo, femme fastueuse,
fille voluptueuse,
c'est pour toi que s'élancent
les plus hautes trompettes
ceignant les mains des guerriers
et leurs têtes
et leurs fronts!


C'est pour toi
que se dénoncent à la lumière
les coqs les plus forts,
les plus vigoureux,
les plus sains!


C'est pour toi que chantent
les plus purs diamants
portés autour du cou
par les princesses du monde
à la cérémonie de ton sacre
comme impératrice d'Afrique!


C'est ta beauté
que servent à rehausser
les ivoires les plus riches,
les plus polis,
travaillés par des artistes
voués au service de ta personne
et liés à toi
par les liens de parenté

les plus nobles,
les plus fins!


C'est pour toi
que les plus grands des voyants,
tes frères et cousins
les plus proches
par l'affection,
adressent les hymnes
les plus grands
aux dieux des sources,
des rivières, des collines
et des forêts!


C'est pour toi
que les tam-tams
les plus beaux,
les plus frappants,
les plus percutants,
attaquent le firmament,
dansant avec les comètes,
faisant résonner les astres,
fraternisant
avec les étoiles filantes,
s'unissant aux météores
par les sons
les plus orgiaques
dont Mère Nature
a jamais rêvé!


C'est pour toi
que les contes
les plus féeriques
vivent encore
à tes crépuscules,
à tes soirs
autour du Feu sacré,
traversant mille
et une nuits,
et se poursuivant
jusqu'au jour béni!


Et le plus merveilleux
des contes vrais
n'est-ce pas celui
où les filles possédées
par le génie de l'air
dansent pour toi la nuit,
loin de leurs cases,
tournoyant chacune
sur elle-même
et autour du Feu
ou toutes ensemble
jusqu'à épuisement
de leur chair,
jusqu'à la fermentation
extatique de leur esprit?


Moi-même,
bien que poète d'Europe,
je te désire
de plus en plus,
esseulé que je suis
parmi les foules grossières
ou ternes
qui hantent les villes
de ce continent
abandonné par les fées
qui se sont toutes
retirées du reste du monde
pour se réfugier en toi,
ô Seule Reine Vivante,
ô Seule Femme Véritable
entourée d'esclaves
et de zombies,
ô toi, la Seule de mes soeurs
qui m'aime et me comprend
et que je Comprends!


Ô toi, sang de mon âme,
sucre de mes entrailles,
ma soeur de lait
inclinée sur mon épaule,
concentre autour de moi
en un geste unique
ta musique
et ton Triomphe!


CHANTS DE PALISSANDRE

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. JUILLET 2002