Le Diamant Caché


Aussi loin que je remonte dans mon passé,
je ne rencontre que ta belle figure,
ô brune de Castille,
ô rossignolette de Grenade,
ô colombelle perchée sur la Giralda,
ô hirondeau niché dans la Mezquita!


N'était-ce pas toi
qui étais plus belle
que toutes les images de la Madone,
peintes ou sculptées,
que la Vénus de Velasquez
ou la Maya de Goya
et que toutes les Espagnoles aux fortes croupes
qui furent célébrées par les poètes,
aussi bien les Maures que les Chrétiens,
voire les Juifs?


Tu fus ma seule chance
dans mon infortune
et une main secourable pour moi
qui étais en train de sombrer
dans l'abysse du désarroi sentimental
et de la misère affective!


Après une adolescence ratée,
vint tardivement ma première jeunesse
qui, elle aussi, semblait me mener
à une impasse!


Or, tu vins et mon chemin s'ouvrit à nouveau,
le chemin même qui devait un jour
me conduire par-delà les frontières
de ma stricte individualité
et me faire accéder
aux champs de l'Inconscient!


Pourtant, je n'ai saisi qu'avec retard
cette main délicate que tu me tendais,
oui, j'ai tardé à saisir
cette chance inespérée qui s'offrait à moi
de refaire une vie mal bâtie,
partie de prémisses néfastes!


Ce mien retard devait m'être fatal:
il fut la cause de notre amour mort-née,
de notre amour avortée!


Et voilà pourquoi, ô brune de ma jeunesse,
notre passion resta secrète,
inaudible comme le vol d'un papillon diurne
par un jour d'Août,
et anecdotique,
en une époque qui ne sacrifie qu'à la vogue,
elle-même nourrie de passions
fort ordinaires et trop indiscrètes,
servies par le tapage fait autour d'elles!


Or, je n'ai jamais divulgué ton nom,
sauf sous le manteau,
oui, je n'ai jamais publié notre amour,
conformément à la loi non écrite
en usage chez les troubadours,
pour qui la Bien-Aimée est pareille
à un diamant au singulier éclat
que l'on cache soigneusement
au fond d'un coffret d'Orient!


LEVRETTE MAURESQUE

RECUEIL INEDIT. DU 29 JUILLET AU 04 AOUT 2010