L'Égérie des Toreros


Ta croupe fortement rebondie
n'est pas sans évoquer le bassin du Guadalquivir
formant, à l'intérieur des terres fertiles,
des terres à froment
que l'on cultive avec les mêmes soins méticuleux
que tu appliques à ta peau
qui doit être fleurie pour ton amant
et maternellement lisse,
sans rien de déplaisant,
sans rien qui blesse l'oeil
et nuise à ta bonne renommée,
oui, une peau digne d'être peinte
par un artiste andalou de l'école de Séville,
oui, digne d'être peinte comme une sculpture,
avec les couleurs de l'arc-en-ciel
et avec toutes les teintes
de l'aurore de Cordoue,
du couchant de Grenade,
de l'après-midi d'Almeria
et de la nuit d'été d'Alicante,
voire de Valence!


Ah! Si Goya te peignait!
Quelle serait alors la lumière édénique
qui illuminerait ta gracieuse figure,
à l'égal des patronnes de Séville,
Saintes Justine et Rufine,
peintes par le même Goya!


Car, n'en déplaise aux inquisiteurs de tout crin
qui continuent à sévir
dans maintes contrées, encore de nos jours,
oui, n'en déplaise aux censeurs de toute sorte,
tu serais digne de paraître
dans le retable du maître-autel
de la cathédrale de Séville,
entourée des Saints Jean-Baptiste et Pierre!


Et Vélasquez, ne songeait-il pas
tout peintre officiel qu'il fût,
oui, ne songeait-il pas
à une hanche comme la tienne,
quand il peignait
sa célèbre Vénus au miroir?


Tu aurais dû être l'Égérie
de tous les toreros qui se battent
dans les arènes d'Espagne,
et l'héroïne du quartier gitan
de la Triana,
où naquit le flamenco!


Rassure-toi,
ô toute douce!
Toreros et cantaores
ne rêvent qu'à une femme
qui a la beauté de tes formes,
et cet oeil ardent
qui a déjà fait tant de victimes
et a rendu captives
tant d'âmes généreuses!


LA FEMME-GRENADE

RECUEIL INEDIT.DU 05 AU 10 AOUT 2010